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Survey. Voici où les insurgés du monde entier achètent leurs armes

SMALL ARMS. Ce monde croule sous les armes. De la Syrie à l’Irak, des déserts du Sahel ou bush du Nigéria, il fait bon être un combattant de la guérilla –entre autres parce qu’il est devenu extrêmement facile de se procurer toutes les armes nécessaires pour livrer bataille.

C’est un des faits nouveaux du XXIe siècle et il a été mis en lumière par la dernière édition en date du Small Arms Survey: Weapons and the World, un rapport qui a établi que le montant global des ventes d’armes personnelles a presque doublé entre 2001 et 2011. Depuis, il a continué d’augmenter, avec 5 milliards de dollars échangés sur ce marché en 2012. En raison de la nature opaque du marché des armes personnelles, le total pourrait être beaucoup plus élevé aujourd’hui.

Globalement, les États-Unis continuent de dominer le marché mondial des armes personnelles, tant dans le domaine des exportations que dans celui des importations.

Les armes personnelles posent des défis spécifiques dans le domaine particulier du contrôle des ventes d’armes à travers le globe. Ce terme désigne en effet les revolvers, les pistolets automatiques, les fusils, carabines, pistolets-mitrailleurs, les fusils d’assauts et les fusils-mitrailleurs, des armes faciles à transporter et qui constituent le gros de l’armement utilisé par les mouvements d’insurrection à travers le monde. Équipez un groupe de combattant aguerris de fusils d’assauts, de quelques fusils-mitrailleurs et de pick-ups et vous vous retrouvez à coup sûr avec une belle force de guérilla.

Utilisation détournée

C’est ce genre de combattants qui sont à l’origine de l’instabilité croissante du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord depuis la fin des printemps arabes. Le fait qu’ils puissent accéder à d’importantes quantités d’armes et de munitions a constitué la clé de leurs succès en Irak, en Syrie, en Libye et au Mali. Et malgré tout ce chaos, le Small Arms Survey démontre que de nombreux États continuent de fournir des armes à ces pays malgré le risque de plus en plus grand de les voir utilisées à des fins peu souhaitables ou détournées.

Prenons le cas de l’Égypte: le rapport met en lumière une commande importante de pistolets effectuées auprès d’un fabricant tchèque dans la foulée de l’embargo de l’Union européenne interdisant l’exportation d’armes susceptibles d’être utilisées à des fins de «répression interne». Cette interdiction donne apparemment assez de marge au fabricant pour signer des contrats permettant la livraison de 50.000 pistolets et 10 millions de projectiles de 9 millimètres au ministère de l’Intérieur égyptien.

Le demi-embargo de l’Union européenne et d’autres efforts similaires entrepris par Washington pour mettre la pression sur le Caire en interdisant la livraison d’armes sophistiquées démontrent comment un pays comme l’Égypte peut aisément contourner la pression exercée par les pays qui lui fournissent des armes. Comme le montre ce rapport, l’attitude des capitales occidentale n’a eu qu’un seul effet: pousser l’Égypte à chercher des armes ailleurs, et même à envisager la possibilité d’un accord de livraison avec la Russie.

Mais l’examen du rôle des livraisons internationales d’armes internationales dans l’explosion de violence qui frappe d’autres États arabes est clairement limité par le manque de transparence de ces livraisons. Depuis le début de la guerre civile en Syrie en 2011, plusieurs grandes puissances ont tenté d’empêcher les livraison d’armes destinées aux forces restées fidèles au président Bachar el-Assad. Mais le rapport fait remarquer que des médias ont mentionné des livraisons de la Russie, de l’Iran et de la Corée du Nord, qui continuent de fournir des armes au régime syrien. Si l’Union européenne a imposé un embargo sur les armes, la Russie s’est opposée à un embargo décrété par l’ONU.

Stocks imprécis

Bien que le Small Arms Survey se fasse l’avocat de restrictions sur les livraisons d’armes à destination des régions instables, plusieurs gouvernement occidentaux continuent de fournir des armes à des groupes de rebelles considérés comme des alliés contre des groupes extrémistes ou des régimes répressifs. Les livraisons desarmes aux Peshmergas kurdes constituent, par exemple, un risque significatif de mauvaise utilisation si elles venaient à tomber dans de mauvaises mains. Exemple: quand des avions américains ont largué des caisses d’armes aux forces kurdes assiégées dans la ville syrienne de Kobané, certaines caisses furent récupérées par des hommes de Daech. Un autre cas fait mention d’un groupe de rebelles syriens ayant obtenu des armées américaines après les avoir achetées au marché noir auprès de troupes irakiennes auxquelles elles étaient destinées. D’autres armes fournies aux rebelles de Syrie proviennent également des immenses stocks d’armes provenant de l’ex-Union soviétique.

À travers toute l’Europe de l’Est, et en particulier dans les Balkans, les arsenaux soviétiques restés sur place présentent d’excellentes opportunités pour l’export –des armes provenant de Croatie ont ainsi été achetées et envoyées à des rebelles favorables aux États-Unis. D’un autre côté, ces stocks présentent des risques importants pour les populations locales. Toujours selon le Small Arms Survey, 51 explosions ont eu lieu sur des sites de stockage de munitions dans le sud-est de l’Europe entre 1980 et 2014, provoquant la mort de plus de 700 personnes.

De nombreux États des Balkans ont donc choisi de réduire leurs stocks d’armes, qui sont souvent en mauvais état et mal répertoriés. Mais cet effort est naturellement miné par les priorités commerciales. De nombreux États ont, selon le Small Arms Survey, horreur de détruire des armes avant de s’assurer qu’elles ne pourraient pas être mises sur le marché. D’autres États «ignorent tout simplement les quantité précises de munitions (en surplus ou opérationnelles) de leurs stocks d’armes, souvent parce que les décomptes sont mal faits ou faussés». Une telle imprécision rend évidement très facile le commerce illégal d’armement.

Réapparition chez l’ennemi

Mais c’est sans doute au Mali que la prolifération d’armes de la Guerre froide est la plus grande. Le gouvernement malien tente, depuis trois ans et avec le soutien de la France, de combattre une rébellion séparatiste qui a vu ses rangs grossis par un afflux de djihadistes étrangers. On dit souvent que le conflit au Mali a été alimenté par des armes en provenance de Libye, après le renversement de Mouammar Kadhafi. Si des rebelles maliens ont effectivement acquis de l’expérience lors du conflit ayant amené la chute du dictateur et sont rentrés au Mali avec d’importants stocks d’armes, le Small Arms Survey montre que le gros du matériel utilisé par les rebelles provient en fait des arsenaux du gouvernement malien.

La majorité des munitions examinées au Mali indiquent que ces armes ont été pour l’essentiel fournies par la Chine et l’Union soviétique. Les stocks d’armes de Kadhafi ont naturellement donné aux insurgés du Mali du matériel de meilleure qualité.

«Le manque de mitrailleuses lourdes et des munitions allant avec a été manifestement comblé par le biais de matériel en provenance de Libye, dit le rapport. La Libye est une des principales sources d’armes de gros calibre utilisées par des insurgés en 2012, dont des canons anti-aériens ZU-23-2, principalement utilisés pour attaquer des troupes au sol. La Libye est également une source de missiles anti-aériens portables qui sont actuellement aux mains des djihadistes au Mali.»

(Ces missiles permettent à des combattants de tirer, depuis l’épaule, des missiles capables d’abattre des aéronefs volant à basse ou moyenne altitude.)

Si une leçon doit être tirée du Small Arms Survey, c’est sans doute celle-là: les armes fournies à des États alliés aujourd’hui ont la détestable habitude de réapparaître aux mains d’adversaires inattendus dix, vingt ou trente ans plus tard.

Elias Groll

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