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Livre. Tempête sur le Grand Moyen-Orient de Michel Rainbaud

NEWCONS. Il y a deux ans paraissait aux Editions Ellipses « Tempête sur le Grand Moyen-Orient », ce Grand Moyen Orient qui, ayant pris de l’extension au gré des pulsions américaines, s’étend désormais de l’Atlantique à l’Indonésie, sur plus de 50 degrés de latitude.

En raison de sa position stratégique aux confins de l’Eurasie autant que par sa richesse en gaz et pétrole, mais également parce qu’elle allie à sa diversité culturelle une certaine unité religieuse et civilisationnelle, cette immense « ceinture verte » islamique détient un potentiel de puissance considérable et constitue un enjeu majeur. De son devenir, mis en question par la tempête actuelle, dépend en bonne partie la physionomie de notre monde de demain : sera-t-il unipolaire, aux ordres de l’Occident comme il l’a été depuis la fin de la guerre froide, ou multipolaire comme le préconisent les émergents ? Telle est la question posée.

Les « révolutions arabes » s’inscrivent dans cette problématique planétaire. La « démocratisation » à la mode Bush n’est évidemment qu’un grossier prétexte pour faciliter la réalisation du rêve des stratèges neo-cons américains : remodeler le Grand Moyen-Orient en y cassant les Etats modernes, notamment les Etats-nations à forte identité, afin de le réduire à un patchwork d’entités confessionnelles ou ethniques, de manière à ce que l’Amérique s’en assure le contrôle stratégique et qu’Israël, pilier essentiel de la doctrine neocon, y garde la prééminence sur tous les plans.

Pourquoi crier au conspirationnisme ? Il s’agit tout simplement d’un grand dessein annoncé urbi et orbi par ses promoteurs depuis des lustres, un dessein qui d’ailleurs a trouvé de nombreux complices dans le monde arabe, notamment dans la mouvance islamiste qui a cru tenir une occasion historique d’imposer sa vision politico-religieuse. D’où l’attelage étrange que nous voyons à l’œuvre, réunissant deux alliés de circonstance (mais non contre-nature) qui peinent à regarder dans la même direction, tant leurs messianismes concurrents, celui de l’occident impérial et celui de l’islam sunnite radical, tirent à hue et à dia, tout en visant des objectifs identiques à court ou moyen terme. Pour les Etats et les peuples plongés dans ce tumulte infernal, mais qui refusent de se soumettre à l’arrogant Occident et à l’option obscurantiste des islamistes fanatiques, il n’est pas d’autre choix que de se joindre au camp de la résistance arabe et/ou musulmane, dont les pays émergents sont les alliés naturels.

En septembre 2014, date à laquelle était bouclée la rédaction de « Tempête sur le Grand Moyen-Orient », il semblait possible d’évoquer, malgré une conjoncture qui à première vue interdisait toute issue prévisible, le début de la fin d’une époque et l’amorce d’un basculement de l’ordre du monde.
Beaucoup de sang a coulé depuis lors, les destructions se poursuivent, les ruines s’accumulent. Cependant, bien qu’ils justifient une remise à jour, les multiples développements survenus ne conduisent pas à mettre en veilleuse l’approche générale d’un monde arabo-musulman, enjeu, théâtre et acteur collectif, au centre de la confrontation planétaire opposant l’Empire Atlantique, « maître du monde » de droit divin, à l’immense bloc eurasien et ses alliés qui disputent au nouveau peuple élu l’hégémonie acquise à la faveur de la chute de l’URSS. Ils s’inscrivent au contraire parfaitement dans le schéma précédemment retenu.

Enrichie dans son contenu, la deuxième édition remise à jour intègre donc les évènements enregistrés jusqu’au 31 décembre 2016. Il ne s’agit pas d’une version « corrigée ». En effet, la thèse qui sous-tend « Tempête sur le Grand Moyen Orient » est plus que jamais à l’ordre du jour. Parfois jugée hétérodoxe sinon hérétique en 2014, elle a acquis droit de cité, car elle met en lumière et en perspective la logique profonde des évènements et l’ébranlement géopolitique qui se produit sous nos yeux, à savoir la perte par l’Occident de son hégémonie globale sur la planète. On peut certes discuter cette vision, voire la refuser, mais il n’est plus possible de la balayer d’emblée d’un revers de main.

Sans vouloir en faire un logiciel divinatoire, elle autorise à relativiser l’imprévu, celui notamment que constitue l’arrivée de Trump à la Maison-Blanche. Bien qu’il se vante d’avoir gagné contre les Establishments, l’imprévisible Donald se pose en héritier de la « révolution » de Reagan, qui porta le néo-conservatisme sur les fonds baptismaux, et il prêche le retour aux sources du messianisme « chrétien » des pères fondateurs : avec un tel pedigree, peu probable qu’il bouscule ce qui est devenu la doctrine quasi-exclusive des faucons occidentaux, droite et gauche confondues et la stratégie qui en découle.

« C’est Trump qui devra faire avec, est-il écrit à la page 687 de l’ouvrage. L’Amériquede « l’État profond », sous la botte du « complexe militaro-industriel » dénoncé par Eisenhower, du « parti de la guerre » qui n’appréciait pas la diplomatie apaisante de Jimmy Carter (futur Nobel de la Paix en 2002) ou du « think tank collectif » qui aurait fait souffrir Obama, n’a probablement pas d’alternative au choix stratégique et géopolitique des néocons ».

Trump, qui mettra en œuvre le « chaos constructeur » selon les règles de la « théorie du fou », prétend s’affirmer comme « le plus grand président que l’Amérique ait connu. Il sera sans doute, si Dieu lui prête un ou deux mandats, l’avatar le plus achevé du néoconservatisme. Ce ne sont pas ses premiers pas ou ses premiers choix qui auront démenti cette affirmation.
Cet ouvrage est destiné à tous ceux qui s’intéressent aux peuples arabes et/ou musulmans, à leur histoire et leur avenir. Mettant en évidence la vérité profane et politique des évènements actuels et le versant fallacieux de l’appel pseudo-religieux qui les inspire, il vise également un public bien plus large, celui des personnes désireuses de déchiffrer et de démystifier ce vieux monde où l’on sème si facilement la mort et la destruction au nom du Bien, si ce n’est au nom de Dieu.
* Michel Rimbaud, ancien ambassadeur français dans le monde arabe, en Afrique et en Amérique latine. Ancien directeur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Il est actuellement conférencier en relations internationales à Paris.

Tempête sur le Grand Moyen-Orient – 2e édition enrichie et remise à jour, Editions Ellipses, Paris
http://www.editions-ellipses.fr/product_info.php?products_id=10119

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