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L’émergence d’un nouveau système international

OLD NEW L’accueil chaleureux réservé à Vladimir Poutine à Abu Dhabi le 6 décembre dernier et illustré par la patrouille aérienne émirienne Al Fursan arborant les couleurs nationales russes, ainsi qu’à Riyad quelques heures plus tard par le prince héritier Mohammed ben Salmane, contraste avec le rejet par le Congrès américain d’une enveloppe de financement de 106 milliards de dollars, dont 61,4 milliards destinés à l’Ukraine. L’annulation de l’intervention du président Zelensky, la veille, devant le Congrès américain renforce le sentiment que le momentum de la guerre en Ukraine penche en faveur de Moscou.

Cette situation n’a pas échappé à Olaf Scholz, le chancelier allemand, qui, lors du congrès du parti social-démocrate (SPD) à Berlin le 9 décembre, a souligné que «cette guerre ne prendra probablement pas fin rapidement». Il a insisté sur l’importance de soutenir l’Ukraine dans sa défense sur le long terme, déclarant que «les frontières en Europe ne peuvent plus être déplacées par la force».

Scholz, dont le pays est le deuxième contributeur en aide pour l’Ukraine, replace ainsi la guerre en Ukraine dans sa signification stratégique pour l’Europe et dans le nouvel ordre international émergent. Ce dernier se caractérise par le rejet de la Russie et de la Chine de l’ordre international hérité de la guerre froide, reposant sur l’hégémonie occidentale sous leadership américain, la mondialisation et les institutions internationales multilatérales promouvant les valeurs libérales et la gouvernance démocratique.

Lors de leur rencontre, le 4 février 2022 à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Pékin, Xi Jinping et Vladimir Poutine ont esquissé leur vision du système international «juste» et «multipolaire», basé sur la coexistence pacifique, la coopération mutuellement bénéfique et le respect mutuel. Les deux parties «s’opposent au retour des relations internationales à un état d’affrontement entre grandes puissances, où les faibles deviennent la proie des forts.» Le 25 juin 2022 au sommet des BRICS, Xi Jinping réaffirmait ces principes, déclarant qu’il «faut construire un nouveau type de relations internationales caractérisées par le respect mutuel, l’équité, la justice et la coopération gagnant-gagnant, et s’opposer ensemble à l’hégémonisme et à la politique de puissance». Vladimir Poutine abondait dans le même sens à la conférence de Valdaï le 5 octobre dernier soulignant qu’«une paix durable ne sera possible que lorsque chacun se sentira en sécurité […] et qu’il existe un équilibre dans le monde où personne ne peut unilatéralement forcer ou contraindre les autres à vivre ou à se comporter comme un hégémon le souhaite.»

Cependant, derrière ces discours lénifiants se cache une hostilité viscérale envers la puissance américaine et les valeurs occidentales. Cette hostilité se double également de pratiques contradictoires, telles que l’agression russe en Ukraine ou la politique chinoise de fait accompli en mer de Chine qui maximisent l’intérêt national et s’opposent aux principes qu’ils ont eux-mêmes énoncés.

Ainsi, le nouveau système international qui émerge est caractérisé par une lutte entre les valeurs des États démocratiques et autoritaires pour redéfinir les contours de la gouvernance internationale du XXIe siècle. Avec la récession de la démocratie mondiale ces dernières années, la perspective d’une victoire de Donald Trump susceptible de placer les États-Unis dans le camp des démocraties illibérales et l’incapacité des États européens à parler d’une seule voix sur la scène internationale, Moscou et Pékin peuvent en effet se réjouir de l’état du monde en cette fin d’année 2023.

Jean Marc Rickli Responsable des risques globaux et émergeants au GCSP

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