Security. Un robot pour déminer

DIG IT. C’est dans la commune de Tavannes (Jura bernois) que s’est établie une entreprise très particulière qui a développé et produit plusieurs machines aux allures de chars d’assaut.
Ces machines permettent, en effet, de déminer en toute sécurité de vastes étendues devenues inaccessibles suite aux conflits ayant ravagé certains pays. Entretien avec Frédéric Guerne, fondateur et directeur de DIGGER DTR, employant une quinzaine de collaborateurs.
Comment est né le projet DIGGER?
F. Guerne: le point de départ date d’un mandat de l’EPFL, en 1996-97. Ingénieur de formation, j’ai assisté à une conférence organisée par le professeur Nicoud sur le thème du déminage. Seul privé au milieu d’experts en explosifs, militaires et scientifiques, j’ai été abordé afin d’expliquer mes motivations: concilier la technique avec la vocation d’être utile à mon prochain. J’ai ainsi intégré une équipe qui souhaitait trouver des solutions pour le déminage. Aujourd’hui encore, de nombreux démineurs travaillent manuellement à l’aide d’une tige et d’un sécateur. La progression, lente et dangereuse, cause toujours des mutilations ou entraîne la mort de ces personnes. Les victimes directes, tuées ou mutilées, sont estimées entre 5’000 et 10’000 par année. Et cela quand le coût d’une mine revient à 1 euro à peine…
Il a fallu trouver des financements pour lancer votre projet. Comment y êtes-vous parvenus?
Au départ, nous étions une équipe de bénévoles qui a mis son temps libre à la réalisation de ce projet. C’est sous l’impulsion de Michel Diot, cofondateur de la Fédération Suisse de Déminage, que nous avons orienté nos efforts dans la conception et la réalisation d’un outil de défrichage destiné à faciliter et à sécuriser le travail des démineurs. Nous avons ensuite créé la Fondation DIGGER, organisation à but non lucratif, et sollicité l’appel de dons. Nous avons reçu un très bon accueil et, du fait d’être une structure qui ne doit pas rétribuer des actionnaires, nous avons été reconnus Fondation d’utilité publique. Cela nous a permis d’aborder des bailleurs institutionnels (Confédération, cantons, villes). Des entreprises locales nous ont également mis à disposition leurs infrastructures gratuitement pour soutenir notre cause.
On peut imaginer que vous avez des concurrents. Comment faites-vous pour vous démarquer sur ce marché?
Comme indiqué auparavant, notre entreprise est une fondation à but non lucratif et réinjecte ses bénéfices pour le développement de nos machines. Le fait d’être établis en Suisse, pays neutre et garant du label « Swiss quality », nous aide aussi. Et nous sommes les seuls à communiquer publiquement nos prix (un char DIGGER coûte environ 360’000 CHF). Nous envoyons nos techniciens sur place et formons du personnel local au maniement de nos chars. Du soudage à la peinture, en passant par l’électronique, nous réalisons chaque étape de nos produits, évitant ainsi de dépendre de sous-traitants.
Et cela fonctionne, par rapport aux coûts d’acquisition d’une DIGGER?
Absolument. Une machine avec une équipe de dix personnes (démineurs, mécaniciens, chauffeurs, cuisiniers et corps médical) a une activité équivalant à celle d’une équipe de 200 à 300 démineurs manuels. Avec un salaire mensuel moyen de $ 250 par démineur manuel, le coût annuel revient à plus de $ 750’000! Même si l’investissement de départ est important, la machine fait chuter le prix du m2 déminé. Ainsi, après 18 mois d’utilisation d’une DIGGER D-3, Handicap International au Sénégal a vu le prix du m2 déminé divisé par 10, et avec un risque zéro pour ses démineurs!
Comment peut-on soutenir DIGGER? Proposez-vous des visites guidées?
Vous pouvez nous soutenir en cliquant sur la rubrique « Faire un don » de notre site internet. Vous y trouverez aussi une présentation des activités de DIGGER. Nous organisons des visites ainsi qu’une mise en situation sous la forme d’une exposition interactive tout public. Notre second site consacré à l’exposition vous renseignera volontiers. Un film sortira cet automne (« Nettoyeurs de guerre », produit par Orane Burri). Les groupes, écoles ou curieux sont toujours les bienvenus!