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Cavale de Ghosn : le business des exfiltrations

MALLE Une bonne vieille opération de barbouzes. S’il est encore bien trop tôt pour savoir précisément comment Carlos Ghosn a pu échapper à la surveillance des autorités japonaises pour rejoindre Beyrouth, au Liban, plusieurs éléments permettent déjà de mieux comprendre le déroulement de cette exfiltration rocambolesque. On sait ainsi que l’ex-patron de Renault-Nissan a eu recours à une société de sécurité privée, comme l’ont confirmé deux membres de son entourage à l’agence Reuters. Un projet minutieusement préparé depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Même certitude sur la clandestinité de cette opération, aucun passeport au nom de Carlos Ghosn n’ayant «bipé» au départ, selon le ministère de la Justice japonais. «Il faut rester très prudent sur les modalités de son exfiltration, mais il est impossible qu’il ait pu sortir du pays sous sa véritable identité, avance Alain Juillet, ancien directeur du renseignement à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Soit il a utilisé des faux papiers, soit il est parvenu à échapper totalement aux contrôles policiers et douaniers, en se cachant par exemple.»

Malle
Cette seconde hypothèse a été avancée par la presse nippone dans les heures qui ont suivi sa disparition, avant d’être aussitôt démentie par ses proches : le fugitif aurait quitté sa résidence dissimulé dans une malle destinée à transporter des instruments de musique, introduite à son domicile par un groupe de musiciens venus le divertir. Une méthode vieille comme la lune. Dans la Valise, film de George Lautner de 1973, un agent des services français exfiltrait déjà dans une vieille malle un de ses homologues du Mossad, joué par Jean-Pierre Marielle… A ce stade, rien ne permet cependant de confirmer que Ghosn s’est volatilisé de cette façon. Des perquisitions ont eu lieu à son domicile japonais, afin d’exploiter les images des caméras de vidéosurveillance pour tenter d’éclaircir ce point. Mais pour certains professionnels, l’évasion du puissant patron n’a rien d’exceptionnel d’un point de vue opérationnel.

«C’est un type d’opération très classique, utilisé depuis longtemps par de nombreux pays pour rapatrier leurs ressortissants ou capturer un criminel recherché, poursuit Alain Juillet. Aujourd’hui, ces prestations sont proposées par des sociétés spécialisées, très nombreuses à être en capacité d’orchestrer de telles exfiltrations.» Un marché colossal sur lequel se sont positionnées des dizaines d’entreprises israéliennes, américaines, russes, brésiliennes, françaises, chinoises et même libanaises, le pays ayant une longue expérience dans le sauvetage et le transport d’otages. Seule contrainte, qui n’en est pas une pour Ghosn : l’argent. Car entre l’éventuel achat de faux papiers, la location des avions et la rémunération de toutes les personnes affectées à l’opération, la note du voyage peut très vite s’envoler. Surtout sur une distance aussi longue, avec escale.

Marchandises
I
l a ainsi fallu plus de douze heures à Ghosn pour parcourir les plus de 10 000 kilomètres qui séparent Osaka d’Istanbul. Selon l’agence de presse turque DHA, son jet privé a atterri à l’aéroport Atatürk, aujourd’hui fermé aux vols commerciaux mais encore utilisé pour des vols privés et des avions transportant des marchandises. Quarante-cinq minutes plus tard, un autre appareil de la même compagnie privée turque, un Bombardier Challenger 300, l’a ensuite pris en charge pour le conduire jusqu’à Beyrouth, où il est entré «légalement» selon les autorités locales, muni d’un passeport français et d’une carte d’identité libanaise.

Une enquête a immédiatement été ouverte en Turquie, où sept personnes ont été interpellées et placées en garde à vue : quatre pilotes, deux personnels au sol et le cadre d’une compagnie aérienne privée spécialisée dans le transport de fret, tous soupçonnés d’avoir aidé Ghosn dans la seconde partie du voyage. En théorie, le changement d’appareil aurait dû obliger les autorités locales à contrôler les papiers de ce dernier. Mais l’ex-patron de Renault-Nissan n’était alors pas encore recherché, et son visage bien moins connu qu’au Japon ou en France. Il n’y avait donc pas de raison particulière pour que les douaniers turcs s’y attardent. Si toutefois ce contrôle a jamais eu lieu, un des nombreux mystères qui restent encore à élucider.

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