Le forgeron valaisan de sabres japonais

LAME Installe près d’Hiroshima, au Japon, le pays ou il a décide de mener une nouvelle vie, Johan Leutwiler forge des sabres japonais en qualité d’artisan indépendant. Le jeune Montheysan est le seul Occidental dètenteur d’un diplôme reconnu par l’Etat nippon.
≪Lors de mon premier voyage au Japon, en 2012,j’ai d’emblée compris que je voulais vivre dans ce pays et y exercer le métier de forgeron de katanas,les célebres sabres japonais.≫ A l’image de nombreux êtres traverses par une sorte d’illumination,Johan Leutwiler (36 ans) a vécu son nouveau cap de vie comme une évidence que lui murmurait le destin. En un éclair, le jeune homme originaire de Monthey (VS) quitte, fin 2017, sa famille, sa petite amie, ses potes et son métier de chaudronnier dans la construction métallique pour s’envoler vers l’Extreme-Orient.

Courage et force intérieure
Arme d’un courage et d’une force intérieure qui irradient de son verbe sobre et réflechi, Johan Leutwiler atterrit d’abord a Kyoto pour y parfaire, durant une année et demie, l’apprentissage du japonais. ≪Je n’étais pas démuni en arrivant sur place. J’avais en effet déjà commence a apprendre la langue en Suisse. Je m’étais aussi forme en calligraphie avec un grand maitre, Pascal Krieger, tout en pratiquant les arts martiaux, notamment l’iaidō, le maniement du sabre japonais.≫
Johan Leutwiler le souligne avec des touches d’humour qu’il égrène avec élégance au fil de son récit, il parle désormais mieux le japonais que le français. Il vit a l’heure actuelle avec sa compagne nippone a Mihara, dans la préfecture d’Hiroshima sud du Japon). ≪Bien sur, le changement avec le Valais est considérable: plus de raclette, plus de fondue, plus de viande séchée et plus de vin blanc! (Rires)
Rien de tout cela ne me manque toutefois. Dans ce pays qui m’a accueilli a bras ouverts, j’ai mon amie, ma maison, mon jardin et un et un travail que j’adore par-dessus tout.≫
Et en effet, concrétisation d’un rêve qu’il nourrissait depuis la découverte de l’univers du katana a 17 ans, le Valaisan façonne, en artisan indépendant, des sabres japonais dans un atelier près de son domicile. Et il est, a ce jour, le seul Occidental détenteur d’un diplôme de forgeron de sabres délivre par le ministère nippon de la culture.
«J’ai accompli un apprentissage decinq ans auprès d’un maître forgeron à Hiroshima, sans aucun salaire, ce qui m’a obligé à effectuer de nombreux petits boulots pour joindre les deux bouts. En 2024, j’ai passé un examen de huit jours non-stop devant cinq experts. J’ai terminé premier d’une volée qui comptait sept personnes.»
Cette profession de forgeron de sabres, qui n’est pas si différente du job de chaudronnier qu’il pratiquait en Suisse dans la mesure où il continue de façonner l’acier au marteau, Johan Leutwiler la chérit pour son extraordinaire synthèse entre technicité extrême et beauté subtile. «Les Japonais ont réussi à mêler ces deux domaines, faisant de leurs sabres des objets à la fois d’une grande splendeur esthétique et d’une incroyable finesse technique. Et cette tradition n’a pas changé depuis 1000 ans. C’est vraiment fascinant.»
Esthétisme et artisanat
À l’origine objet de culte, utilisé comme arme pendant l’ère des samouraïs (900–1868), le sabre s’impose au fil du temps comme une oeuvre d’art. «Dans mon esprit, j’élabore un objet esthétique et artisanal. Mon premier client, un Français, m’a ainsi commandé une lame pour ses 50 ans.» On l’aura compris, il faudra casser sa tirelire pour acquérir une telle pépite artistique, avec un prix moyen de 20 000 francs l’unité. Et la patience est de mise, avec un temps d’attente oscillant entre un an et un an et demi. «Je forge entre trois et cinq lames par an», précise notre interlocuteur.
Il faut néanmoins savoir que le sabre parfait naît après trois ou quatre tentatives infructueuses: la matière première du sable ferrugineux est instable, de sorte que la lame peut, par exemple, se fissurer à la trempe. Il n’y aura dès lors pas d’autre solution que de repartir à zéro. Et Johan Leutwiler d’ajouter que le principal combustible, à savoir le charbon de pin, est onéreux, sans compter qu’il doit payer le polisseur professionnel et le fabricant de fourreaux.
Au fait, a-t-il d’autres hobbies que la forge? Là encore, il pince la corde de la tirade mi-sérieuse, mi-amusée: «Je faisais pas mal de sport en Suisse, comme du VTT, de l’escalade et des arts martiaux.
Désormais, mon travail est à la fois mon sport et mon hobby: depuis que je suis forgeron, mon tour
de poitrine a plus que doublé! Rien d’étonnant: je frappe du matin au soir avec un marteau d’un kilo
et demi», s’exclame celui qui est passionné par la cuisine du terroir japonaise.