Une nouvelle chaire UNESCO en toponymie inclusive
CARTES Une nouvelle chaire UNESCO en toponymie inclusive Une équipe internationale, dirigée par l’UNIGE, va travailler sur les questions de nominations des lieux à l’échelle mondiale, en se penchant notamment sur les questions de genre, de visibilité des minorités et de développement durable. La Place Nelson Mandela est bien plus connue à Niamey comme le Rond-point Hôpital. Ce nom vernaculaire et fonction[1]nel est toujours en usage tandis que la plaque officielle s’estompe au soleil.
Frédéric Giraut Professeur à la Faculté des Sciences de la Société, Directeur du Département de Géographie et Environnement, Responsable de la chaire Unesco en toponymie inclusive:
Autre problématique soulevée par la chaire UNESCO en toponymie inclu[1]sive: l’adressage. «Dans les pays dits en développement, principalement, des quartiers entiers de villes sont construits indépendamment d’une autorité officielle, qui tente a posteriori d’organiser ces ‘villes informelles’ par un système de repérage fondé sur les numérotations de parcelles et de noms de rues», explique Frédéric Giraut. Mais cette logique se heurte à une organisation vernaculaire qui elle, emploie ses propres noms de repères vécus dans la vie de tous les jours, créant des tensions entre les politiques publiques et les habitant-es des quartiers et multipliant les systèmes antagoniques. De manière plus générale, s’interroger sur les politiques officielles sera l’occasion d’analyser quels noms sont retenus et pourquoi, notamment vis-à-vis de la marchandisation de certains noms de lieux, vendu ou loué, ou du marketing territorial. Il s’agit d’aller de l’observation du processus contemporain de la nomination à l’analyse rétrospective grâce à des sources de nature diverses qui relèvent de la cartographie, des archives, de la presse ou des systèmes d’information géographique.
Le glissement de la toponymie cartographiée du public au privé Qui dit toponymie, dit cartographie. «Assurée par les autorités étatiques, d’abord militaires puis civiles, la cartographie de détails a vu des acteurs privés, comme le géant Google ou les entreprises de GPS embarqués, s’instaurer comme références majeures pour les utilisateurs», relève Frédéric Giraut. A cela s’ajoute la cartographie participative, qui permet à tout un chacun de contribuer à la cartographie de détail du monde, notamment grâce à OpenStreetMap. Ces différents systèmes d’information géographique constituent autant de cartographies du monde, parfois en contradiction. «L’intérêt de ces cartes ‘non-officielles’, mais dont les usages sont généralisés, est qu’elles permettent de faire jaillir des quartiers informels, invisibles sur les cartes étatiques, promouvant des topo[1]nymies vernaculaires et alternatives», s’enthousiasme le géographe. Un partenariat international Pour traiter ces problématiques, un consortium académique sera mobili[1]sé en démarrant par la formalisation d’un réseau existant à deux échelles: mondiale d’une part, en fédérant les spécialistes et leurs équipes situés sur tous les continents ainsi que les Organisations internationales intéressées, et africaine d’autre part, avec le lancement d’un observatoire de la néotoponymie africaine (soit la nomination de nouveaux objets géographiques) qui inclut une plate-forme d’échanges avec les praticiennes et les expert-es. Le programme de la chaire comportera également la réalisation d’un manuel double édition français et anglais et d’un cours en ligne intitulé “Dénommer le Monde”. Le choix de la candidature de l’UNIGE pour une nouvelle chaire UNESCO a pour but de valider l’affirmation de ce champ émergent, dont les thématiques culturelles, patrimoniales et de développement sont en adéquation avec les thèmes fondateurs de l’organisation internationale. De même, les orientations de la chaire sont en adéquation avec plusieurs des priorités de l’UNESCO, notamment les questions de genre, le partenariat académique et technique Nord-Sud, particulièrement avec l’Afrique, et enfin la prise en compte des aspects culturels, notamment les savoirs autochtones et vernaculaires, dans les initiatives de développement durable.