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Photography. Wim Wenders, le Polaroid au fil du temps

GLACES. Bien avant Instagram, le cinéaste allemand a accumulé les clichés pris avec son Polaroid, comme s’il remplissait un journal intime. Rencontres, voyages, repérages… Ces images, prises entre 1960 et 1980, font l’objet d’une exposition.

Il n’était pas encore le cinéaste récompensé par une Palme d’or à Cannes en 1984 pour Paris, Texas, ni l’auteur des Ailes du désir ou de Buena Vista Social Club. Wenders était étudiant à Munich, écrivait des critiques de films, réalisait des courts-métrages et participait au bouillonnement artistique de sa génération. Et, comme tout le monde, il avait un Polaroid. Il fallait alors attendre longtemps pour développer des pellicules, et l’impression instantanée était bienvenue.

Avec son appareil, Wenders a photographié ses amis, ceux qu’il admirait, comme son confrère Rainer Werner Fassbinder ou l’écrivain Peter Handke, des paysages, sa chambre à coucher… Jusqu’aux années 1980, le cinéaste allemand a pris des Polaroid comme s’il remplissait les pages d’un journal intime. Puis le genre est passé de mode. Les développements ont été plus rapides et moins chers et les appareils numériques et les smartphones l’ont rendu obsolète. Wim Wenders a laissé de côté les boîtes à cigares dans lesquelles il avait rangé ses 3 000 images.

« A UNE ÉPOQUE, LES POLAROID C’ÉTAIT DE LA SCIENCE-FICTION, AUJOURD’HUI, CELA APPARTIENT AU PASSÉ. » WIM WENDERS

Plus de 400 d’entre elles sont exposées jusqu’au 11 février à la Photographers’Gallery londonienne, puis en juillet au musée C/O de Berlin. Elles sont rassemblées dans un beau livre, publié en février prochain chez Schirmer Mosel. Dans l’avant-propos de cet ouvrage, le réalisateur écrit : « Les Polaroid étaient uniques ! A une époque, c’était de la science-fiction, aujourd’hui, cela appartient au passé. Ils occupent une place très spéciale dans le rapport entre imagerie et photographie. En tout cas dans la mienne. »
De « l’autobahn » germanique aux « highways » américains, le cinéaste allemand a su capter l’errance dans ses films comme dans ses photographies. Des Polaroid qui témoignent de sa passion pour les grands espaces, urbains ou désertiques.
S’y lit son évolution en tant que cinéaste. Notamment son voyage aux Etats-Unis, en 1977, à l’invitation de Francis Ford Coppola. L’Américain a repéré ses longs-métrages allemands et lui propose d’en produire un sur l’auteur de polars Dashiell Hammett. La production de Hammett sera chaotique, mais Wenders en profite pour arpenter le territoire américain. Il photographie les étendues désertiques, les publicités Marlboro, Disneyland ou les rues de New York. Dans ces images apparaît déjà la patte très léchée de Wenders, sa manière de concevoir des plans avec précision, en ne laissant aucune place à l’accident, et qui explosera avec Les Ailes du désir.

Un grain particulier
Si ces photographies de Wenders attirent encore l’œil, c’est parce qu’elles sont authentiquement anciennes. Car l’esthétique seventies est loin d’être enterrée, et elle est aujourd’hui recréée, trafiquée. Sur Instagram, des filtres sépia permettent de faire passer les photos de vacances pour de vieilles images. Et nombre de photographes, de mode notamment, tentent de retrouver ce grain si particulier.
Quant aux vrais Polaroid, ils sont en voie d’extinction. En 2008, l’entreprise arrêtait la production de films instantanés, et neuf ans plus tard, en 2016, Fujifilm, qui en avait repris l’exploitation, l’interrompait également. Chaque fois, les annonces ont provoqué un tollé chez une foule de jeunes graphistes, photographes ou amateurs nostalgiques d’une époque qu’ils n’ont pas connue. Chaque fois, des repreneurs ont relancé la marque et augmenté les tarifs au passage. Désormais, les amateurs payent le prix fort ou se rabattent sur des boutiques spécialisées, et sur eBay, pour trouver les derniers stocks restants.

Cette nostalgie amuse Wenders. Son iPhone est rempli d’images. Mais il regrette les Polaroid. Il aimait prendre la photo de quelqu’un, attendre qu’elle s’imprime et la regarder ensemble. « Votre ami, votre mère, tous ces gens étaient encore vivants, et ils tenaient la photo dans leurs mains », dit-il. Avec les smartphones, c’est différent, il n’y a pas d’objet : « Si vous montrez une image de glace à un enfant, il n’est pas intéressé. Si vous lui montrez une glace en vrai, il veut la prendre. C’est la même chose avec les Polaroid. Ils étaient les glaces de la photographie. »

 

Instant Stories. An interview with Wim Wenders from The Photographers' Gallery on Vimeo.

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