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Planète. Abeilles et bourdons sont irrésistiblement attirés par les pesticides qui les tuent

MORATOIRE. Plus une semaine ne passe sans que de nouvelles pierres soient déposées dans le jardin des néonicotinoïdes, ces insecticides suspectés d’être un élément déterminant dans le déclin récent des abeilles domestiques, des insectes pollinisateurs et des oiseaux. Après la publication, début avril, d’un rapport des académies des sciences européennes critiquant sévèrement les « impacts négatifs sévères » de ces molécules sur l’environnement, la revue Nature publie, jeudi 23 avril, deux nouvelles études qui assombrissent encore le bilan de ces pesticides introduits sur le marché au milieu des années 1990.

La première, conduite par Geraldine Wright et Sébastien Kessler (université de Newcastle, Royaume-Uni) a consisté à tester la capacité des abeilles domestiques (Apis mellifera) et des bourdons (Bombus terrestris) à éviter spontanément les plantes traitées aux néonicotinoïdes. Le résultat est stupéfiant : non seulement ces insectes ne sont pas repoussés par ces substances insecticides, mais ils sont attirés par elles.

Effets sur le système nerveux central

« Lorsque des butineuses affamées pouvaient choisir entre une solution sucrée traitée à un néonicotinoïde et une non traitée, aucune des deux espèces n’a évité la nourriture traitée, détaillent Nigel Raine (université de Guelph, Canada) et Richard Gill (Imperial College, Royaume-Uni), dans un commentaire publié par NatureDe manière surprenante, les insectes préfèrent en fait les solutions traitées avec l’imidaclopride et le thiaméthoxame [deux des néonicotinoïdes les plus répandus]. » Les auteurs de l’étude suggèrent que cet effet étonnant est lié à l’action pharmacologique de ces insecticides sur le système nerveux central – un peu comme certaines substances exercent une attirance sur l’homme tout en lui causant des dommages (nicotine, etc.). En outre, les tests menés en laboratoire suggèrent que les bourdons sont plus sensibles à cet effet que les abeilles domestiques.

La conséquence de cette situation paradoxale – les insectes sont attirés par des substances qui les tuent – est que ces deux espèces de pollinisateurs, parmi les plus importantes pour le fonctionnement des systèmes agricoles et des écosystèmes, sont dans le milieu naturel plus exposées à ces produits que généralement escompté.

Avec quelles conséquences ? C’est l’objet de la seconde étude publiée par Nature, menée par des chercheurs suédois conduits par Maj Rundölf (université de Lund, Suède). Les auteurs ont inclus 16 champs de colza dans leur expérience, tous étant situés dans le sud de la Suède et tous faisant partie intégrante de paysages semblables. La moitié des champs analysés étaient traités avec un néonicotinoïde courant (la clothianidine) couplé à de la cyfluthrine (un insecticide de la famille des pyréthroïdes) ; l’autre moitié n’avait reçu que la cyfluthrine pour traitement insecticide. Maj Rundölf et ses collègues ont ensuite suivi l’état des colonies de bourdons et d’abeilles domestiques dans ces champs, ainsi que celui d’une abeille solitaire (Osmia bicornis).

Réexamen du moratoire européen

Les auteurs observent d’abord que l’abondance de bourdons et d’abeilles solitaires est réduite de moitié dans les champs ayant reçu un traitement systémique à base de clothianidine (ou les semences ont été enrobées du principe actif) par rapport aux champs témoins, exempts du néonicotinoïde. Les colonies de bourdons montrent en outre un succès reproductif très inférieur dans les champs traités. Et les abeilles solitaires nées à proximité de ces derniers ne reviennent jamais y nicher, contrairement à celles originaires des champs témoins.

En revanche, les colonies d’abeilles domestiques suivies semblent avoir été peu touchées, mais les auteurs préviennent que la puissance statistique de leur étude ne leur permet pas de détecter, sur les ruches d’Apis mellifera, des baisses démographiques de moins de 20 %.

Ces nouveaux travaux sont publiés alors que la Commission européenne doit réexaminer, fin 2015, le moratoire mis en place en décembre 2013 sur certains usages de trois néonicotinoïdes et qu’en France, un amendement à la loi sur la biodiversité imposant leur interdiction totale à partir de janvier 2016 a été adopté en première lecture. (Le Monde)

 

Néonicotinoïdes (Wikipedia) Les néonicotinoïdes sont une classe d’insecticides agissant sur le système nerveux central des insectes avec une toxicitéinférieure chez les mammifères. Le premier néonicotinoïde (imidaclopride) a été découvert en 1991 par Shinzo Kagabu (Bayer CropScience, Japon). Les néonicotinoïdes représentent une petite dizaine de molécules. Ces neuro-toxiques sont généralement des dérivés chlorés et ils ciblent les récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine. Les néonicotinoïdes sont parmi les insecticides les plus utilisés à travers le monde1. Ils présentent trois caractéristiques principales pouvant être vues comme des avantages ou des inconvénients. D’abord, leur très haute toxicité pour les insectes (efficacité/dangerosité). Ensuite, leurs propriétés systémiques qui les rendent présents dans tous les compartiments de la plante traitée (protection globale/contamination globale). Enfin, leur très longue persistance dans les divers compartiments de l’environnement (protection longue/contamination longue).

De nombreux apiculteurs mettent en cause ces molécules pour expliquer le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles2 ou Colony Collapse Disorder (CCD)3. La Commission Européenne a suspendu 3 néonicotinoides en 2013 sur la base des travaux de l’EFSA.

Plusieurs études scientifiques ont mis évidence la toxicité de ces insecticides sur les abeilles et bourdons, en laboratoire et lors de tests en conditions contrôlées. Ces observations sont difficiles à confirmer par les travaux de terrain4,5,6, ce qui alimente une discussion scientifique. Plus généralement, il est considéré que « l’exposition chronique à ces insecticides largement utilisés tue les abeilles et de nombreux autres invertébrés »7.

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