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NOYAUZERONETWORK.ORG / GENEVA, SWITZ.
Attentats de Paris. Comment distinguer l’islamisme de l’islam ?

S’ADAPTER A LA MODERNITÉ. Que l’islamisme, sans qu’il en ait le monopole, génère le terrorisme, cela on le savait déjà : l’Algérie a compté ses victimes par centaines de milliers dans l’indifférence générale de la société internationale à l’époque [les années 1990].

Mais que l’islamisme soit l’islam, « voilà l’erreur ! », dit-on. Mais ni en Occident ni dans le « monde musulman », on peine à montrer en quoi l’islamisme est différent de l’islam. C’est parce que l’on s’y prend très mal.

Quitte à choquer, je dirais que l’islamisme, c’est aussi l’islam – de même que la Sainte Inquisition, c’était aussi le christianisme. La question n’est pas de savoir ce qu’est l’islam ou ce qu’est le christianisme, mais comment on les comprend. L’islam comme foi a pour support un texte. Ce texte, comme tout texte, n’est pas univoque, il doit être lu, interprété, réinterprété. Si aujourd’hui on confond l’islam au nom duquel les pires horreurs sont commises et l’islamisme qui les glorifie, c’est parce que rien ne les distingue dans leur compréhension du texte.

Embrasser la modernité

Ils adoptent les mêmes paradigmes, les mêmes méthodes, les mêmes techniques d’interprétation. Ce qui les distingue, ce n’est pas leur compréhension du texte, mais les décisions politiques relatives aux attitudes à adopter. Un immense travail reste à faire, ce qui est de notre responsabilité. Depuis la Réforme, les protestants ont renoncé à l’interprétation littérale de certains textes. Depuis Vatican II, l’Eglise catholique s’est adaptée à la modernité.

Ce travail n’a pas été fait dans le monde arabo-musulman et les rares personnes qui s’y sont aventurées – et qui s’y aventurent encore – sont, dans le meilleur des cas, superbement ignorées et, dans le pire, exécutées. Tant qu’on ne le fera pas, il sera difficile de convaincre, autrement qu’en recourant à des arguments d’autorité, que l’islamisme est une interprétation maladive de l’islam.

Adopter d’autres paradigmes

Il faut bien voir qu’il ne s’agit pas simplement de mettre en avant tel verset du Coran plutôt qu’un autre ou d’opposer une fatwa à une autre. Il s’agit d’adopter d’autres paradigmes, d’autres méthodes, d’autres techniques d’interprétation. Il s’agit de considérer, par exemple, que les raisons de la révélation (asbâb al-nuzûl) ont le statut de cause et non d’occasion [certains versets ont été révélés dans des circonstances particulières, lesquelles sont la cause de la révélation et non pas une occasion pour introduire une révélation], comme l’affirment l’islamisme le plus extrémiste et l’islam officiel.

Il s’agit aussi d’abandonner la distinction entre ce qui est supposé être clair et ce qui est supposé être interprétable (al-muhkam w-al-mutashâbih)… D’autres l’ont fait : les mu’tazilites, il y a très longtemps, mais on les a oubliés. [Le mutazilisme est un mouvement né au VIIIe siècle à Basra en Irak ; son interprétation prônant le rationalisme et la volonté humaine libre et autonome est adoptée par le califat ; mais le mouvement est marginalisé (notamment à cause de l’influence du sunnisme) au XIIIe siècle.] (CI)

 

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