NZNTV

NOYAUZERONETWORK.ORG / GENEVA, SWITZ.
Nature. Les oiseaux entendent les tornades avant tout le monde.

BIRDY. Au printemps dernier, le Tennessee vivait un épisode météorologique d’une violence exceptionnelle. Entre le 28 et le 30 avril, pas moins de 84 tornades s’abattaient sur l’Etat, tuant 35 personnes et causant plus de 1 milliard de dollars de dégâts.

L’arrivée de l’ouragan avait été prévue par les services météorologiques. Mais aussi par les parulines à ailes dorées. Dans les deux jours qui avaient précédé les intempéries, ces petits passereaux d’environ 9 grammes, à peine sortis d’une migration de 4 000 km, désertèrent les monts des Appalaches pour se réfugier à plusieurs centaines de kilomètres au sud, en Floride, avant de rentrer au bercail, une fois le danger passé.

La légende et quelques constatations empiriques accordent depuis longtemps aux animaux une prescience des catastrophes naturelles. Lors du tsunami de décembre 2004, les éléphants auraient ainsi perçu la terrible vague et déserté les zones côtières. Aucune observation scientifique n’avait pourtant précisément décrit un phénomène de ce type.

Concours de circonstances

C’est à un formidable concours de circonstances que les ornithologues américains Henry Streby, de l’université de Californie à Berkeley, et David Andersen, de l’université du Minnesota, doivent cette première, publiée jeudi 18 décembre, dans la revue Current Biology. Spécialistes de la migration des oiseaux, ils avaient équipé en 2013 des parulines à ailes dorées de microgéolocalisateurs. Ces petits oiseux chanteurs de la famille des fauvettes passent l’hiver en Colombie, avant de gagner les Etats-Unis au printemps, où ils s’accouplent. « Nous tentons de mieux connaître leurs itinéraires de migration et les embûches qu’ils rencontrent, car ces oiseaux sont aujourd’hui menacés », explique David Andersen. Capturés et bagués, les volatiles avaient été pourvus de capteurs photosensibles qui enregistrent chaque jour l’heure du lever et de la tombée du jour. Une fois les données récupérées, les scientifiques peuvent en déduire la position des animaux.

C’est lors de l’analyse des résultats qu’ils ont découvert leur pépite : à savoir l’itinéraire suivi par cinq oiseaux entre le 26 et le 30 avril. Arrivés un à treize jours auparavant sur leurs terres estivales, ils en sont immédiatement repartis les 26 et 27 avril, direction le Sud. En quatre jours, ils ont effectué une boucle de 1 500 km, s’arrêtant deux jours en Floride, afin de contourner l’épisode violemment dépressionnaire qui frappait les Appalaches. L’un d’eux est même allé jusqu’à Cuba – on n’est jamais trop prudent – avant de revenir poursuivre, sans souci, sa vie dans les montagnes du Tennessee.

Résultat « spectaculaire »

Un résultat « spectaculaire », selon Frédéric Jiguet, ornithologue et professeur au Muséum national d’histoire naturelle. « On avait déjà observé ce type de phénomène, précise-t-il. En 2005, aux Açores, j’avais vu arriver des martinets américains, qui fuyaient un ouragan. Mais là, tout est documenté, avec précision, et je ne vois pas de biais de mesure possible. »

Reste à comprendre la nature du signal perçu par les oiseaux. Pression atmosphérique ? Variation de température ? Vitesse ou direction des premiers vents ? Couverture nuageuse ? Précipitations ? Aucun de ces paramètres ne semblait sortir de l’ordinaire à l’heure où les oiseaux ont commencé leur fuite, à en croire les données enregistrées par la station météo de Nashville. Pour les scientifiques, le messager est identifié : les infrasons.

Comme les éléphants

Ces ondes acoustiques de moins de 20 Hz peuvent atteindre une amplitude supérieure à 100 dB et « se déplacer sur des centaines de kilomètres avec une très faible atténuation », précise l’articleMais l’oreille humaine ne les perçoit pas. Il n’en va pas de même de certains animaux comme les éléphants (tiens, tiens…) ou de nombreux oiseaux. « D’autres indices peuvent avoir décidé les parulines à partir mais le plus probable est la perception des infrasons », concluent les scientifiques.

À l’heure de la multiplication des phénomènes météo extrêmes, la paruline pourrait-elle sauver les hommes, comme autrefois le canari dans les mines de charbon pour anticiper les coups de grisou ? « Seul en forêt avec des parulines, peut-être, sourit Henry Streby. Mais les météorologues n’ont pas de souci à se faire pour leur emploi : la technologie d’aujourd’hui prévoit les tornades au moins aussi bien que les oiseaux. » (Le Monde)

 

Leave comment

Your email address will not be published. Required fields are marked with *.