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Légal. A qui appartiennent les legs numériques?

Numérique. Aucun texte de loi ne prévoit ce qu’il advient des courriels, des participations à des réseaux so­ciaux et des autres traces numériques laissées par une personne après sa mort. En revanche, il est clair que dans le domaine numérique aussi, le droit d’auteur perdure par-delà la mort.

On peut recommander aux auteurs de prendre leurs dispositions dans leur testament sur les œuvres protégées par le droit d’auteur, et de recourir au mandat pour cause d’inaptitude pour les courriels, les réseaux sociaux et les opé­rations commerciales.

Aujourd’hui, la plupart des personnes laissent des traces numériques, que ce soit dans leur ordinateur ou sur Internet. Lorsqu’un utilisateur d’Internet devient subite­ment incapable de discernement pour cause de maladie ou d’accident, ou décède, cette situation peut poser des pro­blèmes pour ses proches, ses partenaires commerciaux et ses héritiers, a fortiori si la personne concernée n’a pas pris de dispositions quant au devenir de son legs numérique.

L’ordinateur et son contenu appartiennent aux héritiers. Cependant, il faut normalement que la communauté des héritiers se mette d’accord sur l’utilisation de la succession, et ce à l’unanimité. Cela peut prendre un certain temps, même en cas de bonne entente.

Au moment du décès, il est tout à fait possible que des tran­sactions importantes soient encore réalisées, par exemple sous la forme d’enchères ou de commandes. Bien entendu, on peut également trouver des factures électroniques sur un compte e-mail. Il n’est pas toujours possible d’annuler des contrats en cas de décès, à moins que cela n’ait été fait à temps. Il peut donc arriver que les héritiers doivent ré­pondre du paiement de marchandises ou de services dont ils n’ont plus l’utilité.

Fournisseurs d’accès à Internet: décès et devoir de confidentialité

De nombreux fournisseurs d’accès à Internet ne prennent pas du tout en compte le décès dans leurs conditions géné­rales d’affaires. Celles-ci peuvent stipuler, par exemple, que le transfert de droits ou de devoirs résultant du contrat requiert le consentement écrit des deux parties. Les héri­tiers, ou les représentants dans le domaine professionnel, doivent signaler au fournisseur le décès du client, et tenter de négocier pour obtenir un accès aux données.

Aux termes de l’art. 33 de la loi suisse sur les télécommunica­tions, les fournisseurs sont tenus d’observer le secret sur les données relatives aux clients. A ceux qui agissent en qualité d’héritiers ou de successeurs de l’activité, l’article 13 de la loi sur la protection des données fournit cependant des arguments: une atteinte à la personnalité peut être justifiée par un intérêt prépondérant privé ou public. Ainsi, dans de nombreux cas, il faut accepter la demande de proches vou­lant accéder aux données d’ordre professionnel de la per­sonne décédée. La situation est différente pour la corres­pondance privée. Les personnes décédées aussi (et bien entendu leurs correspondants) ont le droit de voir leurs affaires privées rester confidentielles.

Lorsqu’une personne est incapable de discernement, son conjoint ou son partenaire enregistré dispose d’un pouvoir légal de représentation (art. 374 cc), qui implique si néces­saire le droit de prendre connaissance de sa correspondance (y compris électronique) et de la liquider.

Même switch, qui est pourtant une institution offi­cielle, n’a pas prévu de règles à suivre en cas de décès. Certes, il est possible de mandater des tiers pour effectuer des modifi­cations du nom de domaine. Or généralement, il faut une confirmation du détenteur du nom avant que cette requête ne puisse être satisfaite. Les personnes de confiance ou les héritiers ont besoin d’avoir pleinement accès aux comptes e-mail avant de pouvoir modifier quoi que ce soit au nom de domaine.

Il est à souhaiter que les fournisseurs d’accès à Internet prennent des dispositions dans leurs conditions générales d’affaires pour les cas de décès et d’incapacité à agir de leurs clients.

Droit d’auteur sur les legs numériques

Pour ce qui est des traces numériques laissées par une per­sonne décédée, les dispositions de la loi sur le droit d’au­teur doivent être respectées. Une œuvre reste protégée après le décès d’un auteur ou d’un co-auteur pendant une durée de 70 ans après le décès du dernier (co-)auteur décédé (art. 29 lda). Pour les programmes informatiques, cette pro­tection est d’une durée de 50 ans. On ne peut donc pas effa­cer purement et simplement des œuvres enregistrées dans un ordinateur.

Les droits d’auteur sont cessibles et transmissibles par succession (art. 16 lda). D’un autre côté, il existe un prin­cipe dit d’épuisement de droits (art. 12 lda). Les exemplaires de l’œuvre qui ont été aliénés par l’auteur ou avec son consentement peuvent être remis en circulation. Les héri­tiers ne peuvent effacer les œuvres du défunt qui ont été publiées sur Internet, ni en interdire la diffusion.

En ce qui concerne les œuvres laissées par une personne décédée, et n’ayant pas encore été publiées, il faut respecter la volonté de l’auteur. Si certains éléments, par exemple des correspondances avec des maisons d’édition, laissent pen­ser qu’il souhaitait que ces œuvres soient publiées, alors l’héritier doit s’efforcer de les faire publier. Si l’auteur a fait savoir qu’il préférait qu’une œuvre ne soit pas publiée, cette volonté doit également être respectée. S’il existe des co- auteurs, les héritiers doivent s’entendre avec eux.

Il arrive que des tierces personnes soient impliquées par des legs numériques, par exemple en cas de correspondance ou de photos. Les photos d’autres personnes qui ont été prises par le défunt ne peuvent pas être publiées sans pré­caution sur Internet, ni d’une quelconque autre manière. Les personnes qui y figurent ont elles aussi un droit à l’image. Mieux vaut donc demander l’autorisation de publier ces photos.

On ne saurait trop recommander aux auteurs de prendre des dispositions par voie testamentaire sur les œuvres et les écrits qu’ils laisseront derrière eux. Cela consiste à nommer les personnes, voire les organisations, qui seront les mieux à même d’administrer cette succession, en leur accordant une juste rétribution pour leur travail, ou une part de la succession. On peut déterminer à cette occasion quelles œuvres doivent être publiées, et ce qui doit éventuellement être effacé sur l’ordinateur. Il est possible aussi de confier à l’administrateur de la succession l’administration des sites sociaux, de manière à ce qu’il puisse éventuellement conti­nuer à les faire fonctionner en conformité avec les désirs du défunt.

Le mandat pour cause d’inaptitude est recommandé

Selon le nouveau droit de la protection de l’adulte, toute personne majeure et ayant l’exercice des droits civils peut confier un mandat pour cause d’inaptitude à une personne physique ou morale. Ce mandat est exécuté dès lors que la personne devient incapable de discernement suite à une maladie ou un accident (art. 360 cc). Pour l’exécution de ce mandat, il convient de choisir une personne de confiance. Idéalement, une ou deux personnes se chargent de con­trôler son exécution. Il est recommandé de faire une dis­tinction entre le domaine privé et le domaine professionnel, et de mandater des personnes différentes pour ces deux domaines.

Le mandat pour cause d’inaptitude peut contenir des dispo­sitions relatives au legs numérique, non seulement en cas d’incapacité de discernement, mais aussi pour les opéra­tions à effectuer après le décès. Dans le domaine professionnel, cette façon de procéder est recommandée. En cas d’urgence, les personnes de confiance doivent être immédiatement informées des événements importants. L’idéal est de dresser une liste des affaires courantes devant être gérées par le mandataire. Bien entendu, cette liste doit être régulièrement actualisée. On peut la stocker sur une clé usb qui sera conservée, dans une enveloppe cachetée, en un endroit auquel seuls les mandataires ont accès en cas d’urgence, par exemple dans un coffre-fort mural, ou placé dans une banque. 

Il existe des entreprises proposant une gestion professionnelle des comptes Internet, des réseaux sociaux et des disques durs en cas d’urgence, ou après un décès. Il importe toutefois de les choisir avec soin. On conseille parfois même de stocker les mots de passe dans un cloud codé. C’est une grave erreur, car on ne sait jamais dans un cloud ce qu’il advient des données, ni entre quelles mains elles pourraient tomber à l’avenir. En aucun cas il ne faut stocker des mots de passe ou des données confidentielles dans un cloud.

Afin d’éviter tout abus, il vaut mieux ne confier les mots de passe bancaires à personne, y compris aux proches ou à d’autres personnes de confiance. Dans tous les cas, après le décès, les comptes appartiennent aux héritiers ou à la communauté des héritiers, et restent bloqués, c’est-à-dire inac­cessibles aux différents héritiers, jusqu’au partage de la succession. (Prolitéris)

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