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Movies. FLESH (1968) ; TRASH (1970) ; HEAT (1972)

ANDY. La célèbre trilogie de Morrissey enfin dans les bacs. Où l’on constate qu’avant-garde et moralisme peuvent faire bon ménage.

La trilogie de Paul Morrissey produite par Andy Warhol a connu l’année dernière les honneurs d’une résurrection en grande pompe, sanctifiée à l’autel de la télé-réalité et du Loft triomphant dont elle annonçait effectivement les dispositifs de captation et d’enregistrement de la banalité la plus triviale, en même temps que l’érotisation des corps et la mise sur le marché de nouvelles idoles. Ici Joe Dallesandro, bellâtre trouvé dans la rue et transformé en acteur mais surtout en icône gay et en objet de désir.
Cependant, les trois films que Morrissey consacra à la vie des prostitués, junkies new-yorkais et marginaux d’Hollywood ne sont ni des docudrames improvisés ni du cinéma-vérité. Ils s’apparenteraient davantage à la “sitcom”, comédie de situation dans laquelle les dialogues et les réactions de chaque personnage constituent le nerf de la scène. Novateur, Morrissey l’est parce qu’il renonce à l’expérimentation non narrative des films underground de la Factory de Warhol, et refuse également les conditions de tournage du cinéma commercial. Il adapte des univers scabreux ¬ jamais montrés avec autant de crudité ¬ à une conception somme toute traditionnelle du cinéma, qui accorde la plus grande importance aux dialogues et au jeu des acteurs, même si Morrissey préfère la sincérité et la fantaisie et refuse les méthodes de l’Actor’s studio. Ainsi, ses films ont conservé une liberté et une jeunesse absentes des productions à la modernité faisandée et à l’audace calculée de la même époque, par exemple Macadam Cow-boy.Mais novateur ne signifie pas révolutionnaire ou contestataire. Les trois films de Morrissey sont des comédies satiriques et morales dans lesquelles le cinéaste ne condamne pas ses personnages, montrés comme des êtres pathétiques et émouvants, mais porte un jugement très sévère sur l’Amérique d’après-68, l’état d’esprit hippie qui valorise la liberté et le plaisir, vite récupéré par la société marchande et les médias. Morrissey, qui s’affiche en vieux réactionnaire dans ses interviews, exprime en fait aujourd’hui les mêmes convictions que dans ses films réalisés il y a trente-cinq ans. A savoir que les gens se permettent de faire n’importe quoi depuis 68 (le ménage à trois de Flesh, la quête de drogue dans Trash), que le monde a sombré dans la médiocrité (les ratés du rêve californien dans Heat) et que les libertés acquises en matière de mœurs ne conduisent pas forcément au bonheur.
Heureusement, cette pensée originale pour un cinéaste d’avant-garde n’est jamais explicitée dans ses films, ce qui permit à Morrissey d’obtenir un succès de scandale et de continuer à susciter l’enthousiasme des spectateurs aux idées diamétralement opposées aux siennes.

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