Santé. L’incroyable pouvoir du microbiote

À l’intérieur de votre intestin se cache un monde insoupçonné, peuplé de micro-organismes. Ce petit univers, invisible à nos yeux, joue pourtant un rôle immense dans notre santé. Dans cet article, on vous explique ce qu’est vraiment le microbiote et pourquoi il mérite toute votre attention.
C’est quoi le microbiote?
Imaginez votre corps comme une immense galaxie abritant des milliards de micro-organismes : bactéries, virus, champignons… Ces habitants minuscules, invisibles à l’œil nu, forment des communautés bien organisées appelées microbiotes, que l’on retrouve dans différentes parties du corps : narines, bouche, organes génitaux, peau, mais surtout… dans notre gros intestin ! A tel point que si on les réunissait tous sur une balance, ils pourraient peser jusqu’à 2 kg1 !
Dans cet article, nous allons nous focaliser sur le microbiote intestinal, véritable pilier de notre santé. Saviez-vous que 70 à 80 % des bactéries de notre corps vivent dans l’intestin ? Elles se comptent par centaines d’espèces différentes et jouent des rôles essentiels2.
Bactéries : amies ou ennemies ?
Le mot « bactérie » a souvent mauvaise réputation. Pourtant, toutes ne sont pas “mauvaises” ! Notre corps abrite également une multitude de bonnes bactéries qui veillent sur notre santé. Chacune a sa spécificité, et plus elles sont variées, plus elles collaborent pour nous protéger et maintenir notre organisme en équilibre.
Pourquoi l’équilibre est-il si important ?
Un microbiote en bonne santé se caractérise par une grande diversité et une abondance de bactéries bénéfiques. Cet équilibre est essentiel pour prévenir la “dysbiose”, un déséquilibre qui survient lorsque les bonnes bactéries deviennent insuffisantes, que les mauvaises prolifèrent ou que la diversité microbienne s’appauvrit. Un microbiote déséquilibré peut avoir des répercussions importantes sur notre santé.
Notre microbiote menacé par notre mode de vie
Malheureusement, notre mode de vie moderne met à rude épreuve l’équilibre de notre microbiote, favorisant de plus en plus cette dysbiose. Tout comme la biodiversité de la planète, la diversité de nos bactéries intestinales est aussi menacée. Plus une population est industrialisée, moins son microbiote est diversifié. Les principaux responsables ?
- Une alimentation ultra-transformée, pauvre en fibres et riches en sucres et additifs de toutes sortes,
- Une hygiène excessive, limitant notre exposition naturelle aux micro-organismes
- Un usage fréquent et parfois abusif d’antibiotiques, qui éliminent non seulement les mauvaises bactéries, mais aussi les bonnes (voir partie 4)3.
Les conséquences sont loin d’être anodines. Lorsque notre microbiote s’appauvrit et se déséquilibre, cela peut entraîner divers troubles digestifs (constipation, diarrhée, douleur abdominale, ballonnements), et, à plus long terme, un risque accru de maladies chroniques potentiellement graves4 comme le diabète5, l’obésité6, les maladies auto-immunes, cardiovasculaires7, et même certains troubles neuro-psychiatriques comme l’autisme8.
Comment se forme le microbiote ?
Tout commence à la naissance !
L’histoire de nos bactéries commence dès notre venue au monde. Avant la naissance, le tube digestif d’un bébé est stérile, c’est-à-dire qu’il ne contient aucun micro-organisme9. Lors de l’accouchement par voie basse, en passant par le canal vaginal, il va acquérir son premier « lot » de bactéries, principalement issues du microbiote vaginal et fécal de sa mère. En cas de césarienne, le microbiote du bébé est différent : il est davantage colonisé par des bactéries provenant de l’environnement hospitalier, de la peau de sa mère, puis de celle de son père lors du peau à peau. Ce premier contact avec les bactéries est crucial, car celles qui arrivent les premières prennent l’avantage sur les suivantes : elles colonisent les meilleurs emplacements de l’intestin. Autrement dit, c’est une règle du « premier arrivé, premier servi » 😉 10.
Jusqu’à l’âge de 3 à 5 ans, le microbiote continue à évoluer et à se diversifier, influencé par plusieurs facteurs : l’alimentation, l’hygiène, les médicaments, l’environnement et même la génétique. Parmi ces éléments, l’allaitement maternel, suivi de l’introduction des aliments solides, joue un rôle central. L’exposition à l’environnement – comme le lieu de résidence, la vie à la campagne ou en ville, ou encore le contact avec des animaux – contribue également à enrichir et façonner ce microbiote, qui deviendra unique à chacun11.
Le rôle clé de l’alimentation et du mode de vie
Tout comme les empreintes digitales, le microbiote intestinal est unique à chaque individu. Mais il n’est pas figé : moins de 10% de notre microbiote est influencé par notre patrimoine génétique, le reste pouvant évoluer en fonction de différents facteurs extérieurs. C’est un écosystème dynamique.
Une étude récente révèle un fait surprenant : les personnes vivant sous le même toit, même sans lien de parenté, partagent un microbiote plus similaire que des membres d’une même famille vivant éloignés12. La preuve que notre alimentation et notre mode de vie ont davantage d’influence que notre héritage génétique ! Et ça, c’est une excellente nouvelle, puisque nous avons donc le pouvoir d’agir directement sur notre microbiote. En seulement 24 heures, des changements dans nos habitudes alimentaires peuvent déjà commencer à modifier sa composition13.
Les super pouvoirs du microbiote
Bien qu’invisibles à l’œil nu, ces petits organismes qui peuplent notre intestin ont des super-pouvoirs qui dépassent largement leur taille. Découvrons les principaux bienfaits de ces minuscules alliés !
Production de molécules très utiles
Nos bactéries intestinales sont capables de fabriquer des vitamines importantes pour le corps, comme celles du groupe B, qui boostent notre énergie, et la vitamine K, indispensable pour la cicatrisation14.
Notre microbiote peut aussi produire des petites molécules incroyables, les acides gras à chaîne courte (AGCC), à partir des fibres de notre alimentation. Ces AGCC sont des vraies molécules multitâches15:
- Elles rendent l’intestin légèrement acide, ce qui freine la prolifération des mauvaises bactéries.
- Elles fournissent de l’énergie aux cellules intestinales, les aidant à se régénérer rapidement.
- Elles renforcent la paroi intestinale, notre barrière protectrice qui empêche les bactéries, les toxines ou encore des allergènes de passer vers le sang. Un vrai mur de défense !
Un gardien de notre système immunitaire
Le microbiote intestinal agit comme un bouclier naturel, protégeant notre organisme grâce à différents mécanismes16 :
- Barrière physique : la grande quantité de bonnes bactéries forme une barrière protectrice. Imaginez une armée de bonnes bactéries bien alignées, formant une muraille solide pour défendre notre corps : c’est notre microbiote qui veille sur nous !
- Compétition : les bonnes bactéries, quand elles sont plus nombreuses, privent les mauvaises bactéries de nutriments, limitant ainsi leur prolifération.
- Production d’antibiotiques naturels : nos bonnes bactéries fabriquent des « antibiotiques naturels » qui empêchent la croissance des bactéries nuisibles.
Mais ce n’est pas tout ! Le microbiote peut réguler notre système immunitaire en aidant par exemple nos globules blancs à identifier les véritables menaces, comme certains virus et certaines bactéries pathogènes. Il permet ainsi de concentrer les défenses sur ces véritables intrus, évitant ainsi d’attaquer nos bonnes bactéries ou encore pire, nos cellules17!
Un régulateur de notre poids et de notre métabolisme
Le microbiote intestinal influence la façon dont nous stockons les graisses et prenons du poids. Cela pourrait expliquer en partie pourquoi certaines personnes ont tendance à prendre du poids plus facilement que d’autres, même avec des habitudes alimentaires similaires.18,19
Mais ce n’est pas tout, le microbiote influence également notre appétit et notre sensation de satiété. Et en fonction de sa composition, il peut même nous donner envie de manger plus gras ou plus sucré !
Un rôle clé dans notre bien-être mental
Le microbiote joue un rôle clé dans la communication entre l’intestin et le cerveau, notamment via la production de neurotransmetteurs (messagers chimiques)20,21. Saviez-vous que 95 % de la sérotonine, surnommée l’hormone du bonheur, était produite dans l’intestin grâce à notre microbiote ?
Le microbiote intestinal et le cerveau entretiennent ainsi un dialogue constant, souvent surnommé l’axe intestin-cerveau. Ce lien se manifeste de manière concrète : qui n’a jamais ressenti un mal de ventre avant un événement stressant ? Ce dialogue va bien au-delà des émotions ponctuelles : il influence notre humeur, notre niveau de stress et pourrait même être impliqué dans des troubles plus complexes comme l’anxiété ou la dépression.22,23 Avoir un microbiote équilibré est donc essentiel pour notre santé mentale.
Les stars de l’assiette pour un microbiote en bonne santé
Pour chouchouter votre microbiote, tout commence dans l’assiette. Ce précieux écosystème raffole notamment des aliments bruts et des aliments fermentés. Voici les incontournables à intégrer à votre quotidien !
Les fibres |
Les fibres alimentaires sont indispensables pour la santé de notre microbiote intestinal. Pourtant, la plupart d’entre nous en consomment beaucoup trop peu ! En France, 89 % des adultes n’atteignent pas les 25 g/jour recommandés par l’OMS et aux États-Unis ce chiffre s’élève à 95%24-26. Pourtant, une consommation suffisante de fibres contribue à réduire le risque d’accidents vasculaires et de diabète27.
Pourquoi sont-elles si importantes ? Les fibres ne sont pas digérées par notre estomac ni notre intestin grêle, mais elles arrivent intactes dans le côlon, où elles deviennent la nourriture préférée de nos bactéries intestinales. Elles vont alors pouvoir fermenter ces fibres et produire des AGCC, si bénéfiques à notre santé.
Voici les aliments à privilégier28 :
🥕 Légumes | Ail, artichaut, asperges, betterave, brocoli, carotte, châtaigne, chicorée feuille, chou, échalote, endive, fenouil, haricot vert, maïs, oignon, panais, poireau, salsifis, topinambour. |
🌿 Légumineuses | Flageolet, haricots, lentilles, pois, pois chiches. |
🍎 Fruits | Avocat, banane (pas trop mûre), dattes, figues, kiwi, pomme, nectarines, pêches, poire, pruneaux |
🌰 Oléagineux | Amandes, cacahuètes, noix, noisette, pistaches |
🌻 Graines | Chia, lin, tournesol, courge, sésame |
🌾 Céréales et féculents | Avoine, blé complet, millet, orge, pommes de terre (froides), quinoa, riz brun, riz complet, seigle, sarrasin |
Quelques conseils pour booster vos apports en fibres :
- Préférez les fruits et légumes bruts. Vous pouvez manger aussi la peau, qui contient souvent beaucoup de fibres, à condition de choisir vos fruits et légumes bio car la peau concentre aussi les pesticides.
- Limitez les jus de fruits, pauvres en fibres et souvent riches en sucres.
- Privilégiez les céréales riches en fibres comme le riz complet, le sarrasin, l’avoine, le quinoa… Là aussi, privilégiez le bio car les fibres se trouvent principalement dans l’enveloppe du grain, qui concentre le plus de pesticides.
- Ajoutez des légumineuses à votre repas au moins deux fois par semaine29 : pois chiches, haricots, lentilles, fèves….Pour les rendre plus digestes, trempez-les dans l’eau pendant une nuit avant la cuisson, puis rincez-les 2 à 3 fois.
- Optez pour des farines moins raffinées que la farine blanche, et privilégiez des variétés anciennes comme le petit épeautre ou le seigle. Astuce : le “T” sur les paquets de farine peut vous aider à choisir. Plus le chiffre est élevé, plus la farine est riche en fibres.
- Consommez les féculents froids (comme une salade de riz ou de pommes de terre). Lorsqu’ils sont refroidis, ils contiennent davantage d’amidon résistant, un type de fibre qui nourrit les bonnes bactéries de l’intestin30.
- Ajoutez des graines dans vos repas : dans vos salades, yaourts, ou pâtes à tarte. Pensez à faire gonfler les graines de lin et de chia, idéales pour le transit, dans un liquide avant de les consommer!
Les polyphénols |
Les polyphénols sont des composés naturels que les plantes produisent pour se protéger des agressions extérieures, comme les insectes, les moisissures ou encore les rayons UV. Et ce qui protège les plantes peut aussi protéger… votre microbiote ! En effet, ces composés stimulent les bonnes bactéries de l’intestin et augmentent la diversité du microbiote31.
Les aliments les plus riches en polyphénols sont les fruits rouges (cassis, myrtille, framboises), l’artichaut, le café, le chocolat noir (minimum 70%), le thé noir et vert, et certaines épices comme le curcuma, le clou de girofle et l’anis32,33. En consommant régulièrement ces aliments, vous offrez à votre microbiote une véritable cure de jouvence !
Les produits bio |
Il est préférable de consommer des fruits et légumes bio car ils contiennent en moyenne 20 à 70 % plus de polyphénols que les aliments conventionnels34. En consommant du bio, on évite aussi l’exposition aux pesticides chimiques, qui peuvent affaiblir ou tuer certaines bactéries du microbiote. Un double bénéfice !
Les aliments fermentés |
Les aliments fermentés, comme le yaourt, certains fromages (notamment ceux au lait cru)35, le kombucha, le kéfir, le miso, le tempeh et les légumes lacto-fermentés* (comme le kimchi et la choucroute), sont une véritable richesse pour votre microbiote. Ces aliments regorgent de bactéries vivantes bénéfiques qui soutiennent la diversité et l’équilibre du microbiote. (voir notre article sur les aliments lacto-fermentés) Ils peuvent être considérés comme des probiotiques naturels, contribuant ainsi à la santé digestive et globale36-38.
Pour profiter pleinement de leurs effets, il est essentiel de consommer ces aliments non cuits ou non pasteurisés, car la chaleur détruit les bactéries vivantes.
Les ennemis d’un microbiote en bonne santé
Maintenant que nous savons pourquoi et comment chouchouter notre microbiote intestinal, passons en revue ses pires ennemis.
Les antibiotiques |
Les antibiotiques ont été conçus pour éliminer les bactéries responsables des infections, mais leur mode d’action n’est pas sélectif : ils détruisent également de nombreuses bactéries bénéfiques présentes dans notre microbiote. A l’image d’une bombe, l’explosion va détruire les bactéries pathogènes mais aussi provoquer des dommages collatéraux en tuant des bactéries « amies ».
Ce phénomène peut avoir des conséquences considérables, notamment chez les enfants de moins de 3 ans, dont le microbiote est encore en développement. À cet âge, la perturbation de cet écosystème fragile peut entraîner des risques accrus de développer des problèmes de santé à long terme : asthme, allergies alimentaires39, diabète, obésité40, maladie inflammatoire chronique de l’intestin41…
Chez les patients atteints de cancer, des études suggèrent même que les antibiotiques pourraient réduire l’efficacité de la chimiothérapie et de l’immunothérapie42.
Les antibiotiques restent indispensables dans certaines situations et notamment en cas d’infection bactérienne, mais il est important de les utiliser uniquement lorsque cela est nécessaire, en suivant les conseils de votre médecin et en évitant l’automédication.
Les aliments ultra-transformés, riches en additifs alimentaires |
Riches en sucres ajoutés, en graisses saturées et en additifs de toutes sortes, les aliments industriels ultra-transformés peuvent altérer le microbiote.
De nombreuses études suggèrent que certains additifs alimentaires tels que les émulsifiants, les édulcorants et les colorants, peuvent appauvrir et déséquilibrer le microbiote intestinal et fragiliser la paroi de l’intestin. Lorsque cette barrière protectrice devient plus perméable, des substances nocives peuvent pénétrer dans l’organisme, déclenchant ainsi une inflammation “silencieuse” mais persistante. À long terme, cette inflammation chronique peut affaiblir l’organisme et augmenter le risque de développer des maladies chroniques, telles que les allergies, certaines maladies auto-immunes (comme la maladie de Crohn) ou même certains cancers43-49.
Le manque d’activité physique |
Rester trop longtemps sans bouger peut aussi nuire au microbiote ! Il perd ainsi en diversité, et la barrière intestinale s’affaiblit, laissant des substances indésirables passer50.
À l’inverse, l’activité physique stimule la richesse et la diversité microbienne, favorisant la production des AGCC, ces précieuses molécules multitâches51,52. C’est une relation gagnant-gagnant : l’activité physique stimule le microbiote, qui en retour produit des substances qui boostent notre énergie et nos performances physiques, nous donnant encore plus envie de bouger53,54.
Pas besoin de courir un marathon : l’essentiel est de bouger chaque jour avec des activités simples mais régulières !
Le stress chronique |
Le stress prolongé perturbe le microbiote en augmentant la production de cortisol, une hormone qui favorise notamment l’inflammation et déséquilibre l’intestin. Par ailleurs, le stress a aussi tendance à intensifier les envies de sucres ou de graisses, alimentant ainsi les « mauvaises » bactéries et exacerbant l’inflammation. On peut alors se retrouver dans un cercle vicieux : plus on est stressé, plus on adopte une mauvaise alimentation, et plus l’inflammation s’aggrave55…
Pour briser ce cycle, il est essentiel de prendre du temps pour se détendre chaque jour, que ce soit par la méditation, une promenade en nature, ou simplement quelques minutes de respiration profonde.
L’excès d’hygiène |
En cherchant à tout désinfecter et aseptiser, on affaiblit nos microbiotes, et particulièrement ceux des enfants, en plein développement. Les surprotéger des microbes environnementaux empêche leur microbiote et leur système immunitaire de se développer correctement, les rendant ensuite plus vulnérables.
Un peu de contact avec des germes est en réalité bénéfique : cela aide le corps à apprendre à différencier les bonnes bactéries des mauvaises. Les études montrent que dans les populations où l’hygiène est moins stricte, la diversité des microbiotes est généralement plus élevée – un facteur clé pour une meilleure santé56 !
Bien sûr, l’hygiène est essentielle, mais il est important de ne pas en faire une obsession.
Un sommeil insuffisant |
Le manque de sommeil ou un rythme de sommeil irrégulier peuvent perturber l’équilibre de notre microbiote. Si notre corps est fait pour être actif le jour et dormir la nuit, il en est de même pour notre microbiote. Notre microbiote aime la régularité !
Ainsi, même un léger décalage de ce rythme – se coucher trop tard ou dormir trop peu – peut déséquilibrer le microbiote. À long terme, cela pourrait même favoriser l’apparition de diverses maladies chroniques57.