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Une valse  astronomique révèle un sextuplé de planètes

La mission CHEOPS, menée conjointement par  l’ESA et la Suisse, a révélé un système planétaire unique composé de six planètes en résonance orbitant autour  de l’étoile HD110067.

Une équipe internationale d’astronomes travaillant avec les satellites spatiaux CHEOPS et TESS – dont des membres du PRN PlanetS de l’Université de Berne (UNIBE) et de l’Université de Genève (UNIGE) –  a découvert un nouveau système clé de six planètes en transit, orbitant en rythme autour d’une étoile brillante. Cette propriété rare a permis aux scientifiques de déterminer les orbites des planètes concernées qui, initialement, semblaient pourtant constituer une énigme insoluble. Ces résultats sont à découvrir dans la revue Nature.

CHEOPS est une mission conjointe de l’ESA et de la Suisse, sous la direction de l’UNIBE en collaboration avec l’UNIGE. Avec la collaboration de scientifiques travaillant sur les données du satellite TESS de la NASA, l’équipe internationale a pu découvrir le système planétaire en orbite autour de l’étoile voisine HD110067. Ce système se distingue par sa chaîne de résonance: les planètes orbitent en parfaite harmonie autour de leur étoile hôte. L’équipe de recherche est en partie composée de chercheuses et chercheurs de l’UNIBE et de l’UNIGE, également membres du Pôle de recherche national (PRN) PlanetS. Les résultats viennent d’être publiés dans la revue Nature.

Les planètes du système HD110067 tournent autour de leur étoile dans une valse très précise. Lorsque la planète la plus proche de l’étoile effectue trois révolutions complètes autour de celle-ci, la seconde en effectue exactement deux dans le même temps. C’est ce qu’on appelle une résonance 3:2. «Parmi les plus de 5000 exoplanètes découvertes en orbite autour d’autres étoiles que notre Soleil, les résonances ne sont pas rares, pas plus que les systèmes comportant plusieurs planètes. En revanche, ce qui est extrêmement rare, c’est de trouver des systèmes au sein desquels les résonances s’étendent sur une si longue chaîne de six planètes», souligne le Dr Hugh Osborn, chercheur à l’UNIBE, coordinateur du programme d’observation CHEOPS à l’origine de l’étude, et co-auteur de la publication. C’est précisément le cas de HD110067 dont les planètes forment une chaîne de résonance en paires successives de résonances 3:2, 3:2, 3:2, 4:3 et 4:3, ce qui fait au total que la planète la plus proche de l’étoile accomplit six orbites lorsque la planète la plus éloignée n’en fait qu’une.

Une énigme en apparence insoluble

Bien que de multiples planètes aient été initialement détectées grâce à leurs transits, la disposition exacte des planètes n’était pas claire au départ. Cependant, la danse gravitationnelle précise a permis à l’équipe de scientifiques de résoudre l’énigme de HD110067. Le professeur Adrien Leleu de l’UNIGE, chargé de l’analyse des résonances orbitales et co-auteur de l’étude, explique: «Un transit se produit lorsqu’une planète, de notre point de vue, passe devant son étoile hôte, bloquant une fraction infime de la lumière de l’étoile, créant ainsi une baisse apparente de sa luminosité.»

Les premières observations réalisées par le satellite TESS de la NASA ont permis de déterminer que les deux planètes intérieures, appelées «b» et «c», ont des périodes orbitales respectives de 9 et 14 jours. Cependant, aucune conclusion n’a pu être tirée pour les quatre autres planètes détectées. En effet, deux d’entre elles ont transité une fois en 2020 et une fois en 2022, avec un écart important de deux ans dans les données, et les deux autres n’ont transité qu’une seule fois en 2022.

La solution de l’énigme pour ces quatre planètes supplémentaires a finalement commencé à émerger grâce aux observations du télescope spatial CHEOPS. Alors que TESS vise à balayer tout le ciel petit à petit pour trouver des exoplanètes à courte période, CHEOPS est une mission ciblée, qui se concentre sur une seule étoile à la fois avec une précision exceptionnelle. «Nos observations avec CHEOPS nous ont permis de découvrir que la période de la planète ‘‘d’’ est de 20,5 jours. Elles ont également permis d’exclure de nombreuses possibilités pour les trois autres planètes extérieures, ‘‘e’’, ‘‘f’’ et ‘‘g’’», révèle Hugh Osborn.

Prévoir la valse précise des planètes

C’est alors que l’équipe a réalisé que les trois planètes internes de HD110067 «dansent» dans une chaîne précise de résonances 3:2, 3:2 : lorsque la planète la plus interne tourne neuf fois autour de l’étoile, la deuxième tourne six fois et la troisième quatre fois.

L’équipe a ensuite envisagé la possibilité que les trois autres planètes fassent également partie de la chaîne de résonance. «Cela a conduit à des dizaines de possibilités quant à leurs orbites», confie Adrien Leleu. «Mais en combinant les données d’observation existantes de TESS et de CHEOPS avec notre modèle des interactions gravitationnelles entre les planètes, nous avons pu exclure toutes les solutions sauf une: la chaîne 3:2, 3:2, 3:2, 4:3, 4:3». Les scientifiques ont donc pu prédire que les trois planètes extérieures («e», «f» et «g») ont des périodes orbitales de 31, 41 et 55 jours.

Cette prédiction a permis de programmer des observations à l’aide de divers télescopes terrestres. D’autres transits de la planète «f» ont été observés, révélant qu’elle se trouvait précisément là où la théorie l’avait prédit sur la base de la chaîne de résonances. Enfin, une nouvelle analyse des données de TESS a révélé deux transits «cachés» et non détectés, un pour chacune des planètes «f» et «g», exactement aux moments prévus par les prédictions, confirmant ainsi les périodes des six planètes. Des observations supplémentaires de CHEOPS de chaque planète, et en particulier de la planète «e», sont prévues dans un futur proche.

Un système clé pour l’avenir

Parmi la poignée de systèmes découverts à ce jour avec une chaîne de résonance, CHEOPS a grandement contribué à la compréhension non seulement de HD110067, mais aussi de TOI-178. Un autre exemple bien connu de système à chaîne de résonance est le système TRAPPIST-1, qui abrite sept planètes rocheuses. Cependant, TRAPPIST-1 est une petite étoile dont la luminosité est incroyablement faible, ce qui rend toute observation supplémentaire très difficile. HD110067, en revanche, est plus de 50 fois plus brillante que TRAPPIST-1.

«Le fait que les planètes du système HD110067 aient été détectées par la méthode des transits est essentiel. Lorsqu’elles passent devant l’étoile, la lumière filtre également à travers les atmosphères planétaires», souligne Jo Ann Egger, doctorante à l’UNIBE et co-autrice de l’étude, qui a calculé la composition des planètes à l’aide des données de CHEOPS. Cette propriété permet aux astronomes de déterminer la composition chimique et d’autres propriétés des atmosphères. Comme il faut beaucoup de lumière, l’étoile brillante HD110067 et ses planètes en orbite constituent une cible idéale pour d’autres études visant à caractériser les atmosphères planétaires. «Les planètes de type sous-Neptune du système HD110067 semblent avoir de faibles masses, ce qui suggère qu’elles pourraient être riches en gaz ou en eau. De futures observations de ces atmosphères planétaires, par exemple avec le télescope spatial James Webb (JWST), pourraient déterminer si les planètes ont des structures intérieures rocheuses ou riches en eau», conclut la chercheuse.

CHEOPS – À la recherche de planètes potentiellement habitables

La mission «CHEOPS» (CHaracterising ExOPlanets Satellite) est la première des «missions S-class» de l’ESA avec un budget bien inférieur à celui des missions de grande et moyenne taille, et une période plus courte entre le début du projet et son lancement.

CHEOPS se consacre à la caractérisation des transits d’exoplanètes. CHEOPS mesure les variations de luminosité d’une étoile lorsqu’une planète passe devant elle. Ces valeurs permettent de déduire la taille de la planète puis de déterminer sa densité avec l’aide des données déjà disponibles. On obtient ainsi des informations capitales sur ces planètes — par exemple, si elles sont principalement rocheuses, si elles sont composées de gaz ou si on y trouve des océans profonds. C’est une étape importante pour déterminer si une planète réunit des conditions favorables au développement de la vie. CHEOPS a été conçu dans le cadre d’une collaboration entre l’ESA et  la Suisse. Un consortium de plus d’une centaine de scientifiques et  ingénieur-es originaires de onze pays européen-nes ont participé à la construction du satellite pendant cinq ans sous la direction de l’Université de Berne et de l’ESA.

Mercredi 18 décembre 2019, CHEOPS a commencé son voyage dans l’espace à bord d’une fusée Soyouz-Fregat, au centre spatial européen de Kourou, en Guyane française. Depuis lors, le satellite spatial tourne autour de la Terre  à une altitude de 700 kilomètres, le long de la frontière entre le jour et la nuit (terminateur). Il en fait un tour complet en une heure et demie environ.

La Confédération suisse participe au satellite CHEOPS dans le cadre du programme PRODEX (Programme de Développement d’Expériences scientifiques) de l’Agence spatiale européenne ESA. Grâce à ce programme, des contributions nationales pour des missions scientifiques peuvent être développées et mises en place par des équipes de projet issues de la recherche et de l’industrie. Ce transfert de connaissances et de technologie entre la science et l’industrie confère à la Suisse un avantage concurrentiel structurel en tant que place économique. Il permet à des technologies, des processus et des produits de se répandre sur d’autres marchés et de générer ainsi une valeur ajoutée pour notre économie.

Les exoplanètes à Genève: 25 ans d’expertise couronnés par un prix Nobel

La première exoplanète a été découverte en 1995 par deux chercheurs de l’Université de Genève, Michel Mayor et Didier Queloz, lauréats du prix Nobel de physique 2019. Cette découverte a permis au Département d’astronomie de l’Université de Genève de se positionner à la pointe de la recherche dans le domaine, avec notamment la construction et l’installation de HARPS sur le télescope de 3,6m de l’ESO à La Silla en 2003.

Ce spectrographe est resté pendant deux décennies le plus performant du monde pour déterminer la masse des exoplanètes. HARPS a cependant été surpassé en 2018 par ESPRESSO, un autre spectrographe construit à Genève et installé sur le Very Large Telescope (VLT) à Paranal, au Chili.

La Suisse s’est aussi engagée dans les observations depuis l’espace des exoplanètes avec la mission CHEOPS, résultat de deux expertises nationales: d’une part le savoir-faire spatial de l’Université de Berne avec la collaboration de son homologue genevoise, et d’autre part l’expérience au sol de l’Université de Genève secondée par sa consœur de la capitale helvétique. Deux compétences scientifiques et techniques qui ont également permis de créer le pôle de recherche national (PRN) PlanetS.

Recherche en astrophysique bernoise: parmi l’élite mondiale depuis le premier alunissage

Le 21 juillet 1969, Buzz Aldrin, deuxième homme à descendre du module lunaire, a été le premier à déployer la voile à vent solaire bernoise et à la planter dans le sol lunaire avant même le drapeau américain. Le Solar Wind Composition Experiment (SWC), planifié, construit et évalué par le Prof. Dr. Johannes Geiss et son équipe à l’Institut de physique de l’Université de Berne, a été le premier moment fort de l’histoire de la recherche en astrophysique bernoise.

La recherche en astrophysique bernoise fait depuis lors partie de ce qui se fait de mieux au niveau mondial : l’Université de Berne participe régulièrement aux missions spatiales de grandes organisations spatiales comme l’ESA, la NASA ou la JAXA. Dans le cadre de la mission CHEOPS, l’Université de Berne partage la responsabilité avec l’ESA pour l’ensemble de la mission. En outre, les scientifiques bernois-es font partie de l’élite mondiale dans le domaine des modélisations et des simulations relatives à la naissance et au développement des planètes.

Les travaux fructueux du Département de recherche en astrophysique et planétologie (RAP) de l’Institut de physique de l’Université de Berne ont été consolidés par la fondation d’un centre de compétence universitaire: le Center for Space and Habitability (CSH). Le Fonds national suisse a en outre accordé à l’Université de Berne le financement du pôle de recherche national (PRN) PlanetS qu’elle dirige avec l’Université de Genève.

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