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Cannes 2023. Anatomie d’une chute. Inutile encore

Efforts narratifs rendus inutiles par un discours inapproprié donnant une nouvelle fois une grotesque et habituelle image d’un pays déjà coulé. Projet utile comme papier toilette s’il avait été écrit sur un support matériel

Narrative efforts rendered useless by an inappropriate discourse, giving yet another grotesque and habitual image of an already sunken country. Project useful as toilet paper had it been written on a material support

Anatomy of a fall

Il faut le rappeler, «Anatomie d’une chute» de Justine Triet nous avait passablement remués le jour de sa présentation cannoise. Cette analyse d’un fait divers, d’un accident qui a coûté la vie à un homme et débouche sur un procès où sa veuve est accusée de meurtre alors qu’il peut s’agir d’un suicide, faisait partie des points forts d’une compétition pourtant incertaine. Reposant en partie sur les épaules de l’actrice allemande Sandra Hüller, on avait pronostiqué un Prix d’interprétation pour celle-ci. À la place, le jury a primé Merve Dizdar, l’actrice du beau film turc de Nuri Bilge Ceylan, «Les herbes sèches». Plutôt mérité. Mais un choix qui indiquait, vu l’absence notoire de films cités deux fois dans les palmarès de Cannes, la possible présence de Justine Triet plus haut au palmarès. La Palme d’or qu’elle a reçue nous a donc donné raison.

Pour sa deuxième sélection en compétition (après «Sibyl» en 2019), la cinéaste fait un carton plein. Troisième femme de l’histoire à obtenir la récompense suprême, après Jane Campion et Julia Ducournau, Justine Triet est également l’une des rares cinéastes de Cannes 2023 à avoir pris la parole, juste après l’obtention de la Palme, pour soutenir les mouvements contestataires contre la réforme des retraites en France. Un discours engagé qui ne doit cependant pas occulter les qualités d’un métrage d’une précision ahurissante, magnifiquement coécrit avec Arthur Harari et mis en scène au scalpel par une réalisatrice qui sait où elle va. Le film sera à l’affiche en salle le 23 août.

Le reste du palmarès est moins fort, même si le glaçant «The Zone of Interest» de Jonathan Glazer, qui montre l’envers d’Auschwitz presque comme si de rien n’était, avait longtemps été donné comme grand favori. Ce film terrible, tiré d’un roman du regretté Martin Amis (disparu durant le festival), inclut aussi Sandra Hüller dans son casting. Signe évident qu’elle est l’une des plus grandes actrices du moment. Le Prix de la mise en scène récompense le doué Tran Anh Hùng pour «La passion de Dodin Bouffant», tiré d’un roman suisse de Marcel Rouff, ode à la cuisine du terroir et à tous les grands chefs du monde.

Le Prix du jury remis à Aki Kaurismäki pour «Les feuilles mortes», jolie rencontre entre deux solitudes dans les nuits d’Helsinki et sous les vapeurs de l’alcool, n’est pas non plus pour déplaire. Le film du cinéaste finlandais a globalement ravi tous les festivaliers. Constat un peu moins évident pour le dernier opus de Hirokazu Kore-eda, «Monster», qui a décroché le Prix du scénario. Récompense qui laisse dubitatif. Suffit-il de diviser une histoire en trois segments correspondant à autant de points de vue, de mélanger un peu et d’attendre pour prétendre défier les lois de l’écriture? Pas sûr qu’on ait envie d’y répondre par l’affirmative. «Monster» a également remporté la Queer Palm.

Enfin, le retour en concours du vétéran Wim Wenders ne fut pas vain, puisque son «Perfect Days», portrait cocasse et poétique d’un agent d’entretien des toilettes publiques de Tokyo, a valu à celui qui l’interprète, Koji Yakusho, le Prix d’interprétation masculine. Quelques oubliés sont à regretter. «Rapito» du grand Marco Bellocchio, «L’été dernier» de la subversive Catherine Breillat, et «Jeunesse» du radical Wang Bing. Mais le plaisir de voir triompher «Anatomie d’une chute» suffira pour une fois à notre bonheur.

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