Jean-Marie Straub, cinéaste s’en est allé, inconsolé
Le cinéaste rebelle est mort le 20 novembre à Rolle à l’âge de 89 ans.
À 89 ans, Jean-Marie Straub a rejoint pour l’éternité Danièle Huillet dans la marge. Les Straub, la signature claquait en duo homogène, noyau d’esprits indépendants rebelles à la production traditionnelle du cinéma. Le couple s’était formé à Paris au mitan des années 1950, désertant la France pour des raisons politiques. Ces cinéastes qui se définissaient avant tout comme des artisans gardaient néanmoins de fortes attaches avec la Nouvelle Vague, Rivette, Truffaut, Chabrol et bien sûr, Jean-Luc Godard.
Éternels nomades d’un septième art en résistance, les Straub composent alors une œuvre qui se soucie peu de format ou de rentabilité, ils tournent en noir et blanc, couleurs, long ou court métrage. Une seule constante dans cette patiente construction d’un monument à la modernité, leur travail souvent autofinancé s’appuie sur l’écrit. Là encore, les élus foisonnent, philosophes antiques, tragédiens français ou allemands, librettistes, etc.
De Corneille à Brecht, Duras, Bach ou Kafka, le duo trouve à qui parler, même si leur terrain d’entente restera souvent hermétique au grand public. Paradoxe de passionnés du langage, qui décrétaient: «Les gens qui travaillent dans le champ artistique doivent sans glisser dans l’enflure et sans quitter d’un poil l’idée qu’il ne faut jamais provoquer des sensations, traduire des sensations qui correspondent à des expériences.»
En 2006, à la mort de Danièle Huillet, Jean-Marie Straub, qui avait rejoint Jean-Luc Godard à Rolle, poursuit la lutte. Sans cacher sa peine, l’auteur tourne notamment «L’inconsolable» d’après Pavese, emblématique d’une œuvre irréductible. L’un de ses derniers films, «Gens du lac», renvoyait à l’auteure du cru, Janine Massard. «Il s’agit d’un livre sur le silence, commentait-elle en 2018. Un silence qui recouvre aussi bien des agissements honteux que d’autres, très honorables.»