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Fifagate: Michel Platini et Sepp Blatter relaxés en Suisse.

FOOT L’ancien président de l’UEFA et l’ex-patron de la Fifa ont été relaxés vendredi par le tribunal pénal fédéral suisse des accusations d’« escroquerie » au sujet du paiement de 1,8 million d’euros touché par Michel Platini en 2011.

Michel Platini a remporté son match face à la justice suisse. La légende des Bleus et ancien patron de la Fédération européenne de football (UEFA) a été relaxé, vendredi, ainsi que Sepp Blatter, ancien président de la Fédération internationale de football (Fifa), par le tribunal pénal fédéral helvète. Les deux hommes étaient poursuivis pour « escroquerie » dans l’affaire du paiement de 2 millions de francs suisses (1,8 million d’euros) que la Fifa a versé à Michel Platini en février 2011, sur ordre de Sepp Blatter.

« Je souhaitais exprimer mon bonheur pour tous les miens que justice ait enfin été rendue après sept années de mensonges et de manipulations. La vérité a éclaté au grand jour au cours de ce procès et je remercie les juges du tribunal pour l’indépendance de leur décision. Je n’ai cessé de le dire : mon combat est un combat contre l’injustice », a réagi Michel Platini dans un communiqué.

L’enquête du ministère public de la confédération (MPC, le parquet fédéral suisse), lancée en septembre 2015, avait forcé Michel Platini à démissionner de la présidence de la fédération européenne, et l’avait empêché de briguer la présidence de la Fifa, remportée cinq mois plus tard par son bras droit à l’UEFA, Gianni Infantino.

L’ancien numéro 10 des Bleus ne partait pas favori, après avoir perdu la procédure disciplinaire au sujet du même paiement. Banni pour huit ans par la Fifa, il avait réussi à réduire sa suspension à quatre ans en appel, mais avait par la suite échoué à la faire annuler par la justice suisse, puis par la Cour européenne des droits de l’homme, qui avait pointé la « gravité des infractions commises ».

Mais au pénal, les juges du tribunal fédéral suisse ont validé la version donnée par Michel Platini et Sepp Blatter. Les deux hommes affirment que le paiement de 2 millions de francs suisses de janvier 2011 était un complément de rémunération dû à Michel Platini au titre de sa mission de conseiller technique de Sepp Blatter à la Fifa entre 1998 et 2002.

Ils avaient pourtant signé en 1999 un contrat écrit accordant à Michel Platini un salaire de 300 000 francs suisses par an, et qui ne prévoyait aucun bonus. Les deux hommes affirment que Platini avait réclamé 1 million par an, mais que les finances de la Fifa ne permettaient pas une aussi grosse rémunération à l’époque. Ils disent alors avoir passé un « accord oral » au sujet d’un complément de salaire, que Michel Platini aurait attendu neuf ans pour réclamer.

Le ministère public de la confédération, qui avait requis une peine d’un an et huit mois de prison avec sursis contre les deux hommes, estimait que cet accord oral était fictif, et qu’il s’agissait d’un simple habillage destiné à « enrichir illégitimement M. Platini ». La Fifa, partie civile dans le dossier, estimait elle aussi que ce paiement n’était pas dû.

Le tribunal en a jugé autrement, et Michel Platini n’aura pas à restituer les 2 millions de francs suisses. Lors de l’énoncé du verdict, le tribunal a estimé que l’escroquerie n’était « pas établie avec une vraisemblance confinant à la certitude », comme l’a rapporté L’Équipe. L’accusation n’ayant pas pu prouver que l’ « accord oral » n’existait pas, le tribunal a appliqué le principe général de droit pénal selon lequel « le doute doit profiter aux accusés ».

La défense avait par ailleurs souligné dans sa plaidoirie l’absence de mobile de Sepp Blatter. Le parquet soupçonnait que l’ancien président de la Fifa aurait payé Michel Platini pour sécuriser sa réélection en juin 2011, mais sans pouvoir en apporter la preuve.

« Un tribunal neutre a enfin constaté qu’aucun délit n’avait été commis dans cette affaire. Mon client est complètement blanchi et soulagé en conséquence », réagit l’avocat de Michel Platini, Dominic Nellen.

Le parquet fédéral (MPC) et la Fifa n’ont pas encore indiqué s’ils allaient faire appel. « La Fifa prend note de ce verdict […] et attendra d’avoir lu le jugement et ses motivations avant de faire des commentaires », indique un porte-parole de la fédération internationale. 

Ce verdict est un nouveau fiasco retentissant pour le MPC, incapable d’obtenir la moindre condamnation d’ampleur dans la tentaculaire affaire du « Fifagate », et dont l’ancien patron est soupçonné de collusion avec l’actuel président de la fédération internationale, Gianni Infantino.

Après les spectaculaires perquisitions à la Fifa en 2015, la justice américaine a obtenu plusieurs condamnations. Mais le MPC s’est totalement enlisé. L’une des procédures a dû être abandonnée parce que l’enquête n’a pas été bouclée dans le délai légal. Et la première affaire renvoyée devant le tribunal s’est soldée par une double relaxe, en appel comme en première instance, pour le patron du PSG Nasser al-Khelaïfi, et par une maigre condamnation pour l’ancien numéro 2 de la Fifa Jérôme Valcke, pour une partie seulement des faits qui lui étaient reprochés. 

Pis encore, l’ancien patron du MPC, Michael Lauber, a dû démissionner en 2020 à la suite du scandale provoqué par ses rencontres secrètes avec le président de la Fifa Gianni Infantino, que nous avions révélées grâce aux Football Leaks. Une enquête judiciaire visant notamment Infantino et Lauber est en cours pour ces faits en Suisse. 

Michel Platini est persuadé, sans pouvoir en apporter la preuve à ce stade, que Gianni Infantino, qui était son bras droit à l’UEFA, aurait été renseigné dès 2015 sur l’affaire du paiement de 2 millions de francs suisses, voire aurait comploté avec Michael Lauber pour provoquer sa chute et être élu président de la Fifa à sa place.

« Dans cette affaire, il y a des coupables qui n’ont pas comparu au cours de ce procès. Qu’ils comptent sur moi, nous nous retrouverons. Car je ne lâcherai rien et j’irai jusqu’au bout dans ma quête de vérité », a déclaré vendredi Michel Platini dans son communiqué.

Le 5 avril dernier, l’ancien patron de l’UEFA avait déposé à Paris pour « trafic d’influence » visant Infantino. Lequel a formellement démenti, dénonçant une « théorie du complot inventée ».

Michel Platini s’intéresse en particulier à la rencontre secrète du 8 juillet 2015, deux mois avant le lancement de l’enquête judiciaire à son égard, entre Michael Lauber et Rinaldo Arnold, un magistrat suisse très proche de Gianni Infantino. Dans un rapport disciplinaire, l’autorité de surveillance du parquet fédéral soupçonne qu’Arnold aurait agi lors de cette réunion pour le compte de son ami Infantino, lequel « envisageait alors une candidature à la présidence de la Fifa et avait intérêt à se renseigner » au sujet d’éventuelles procédures visant Sepp Blatter et Michel Platini.

La presse suisse a récemment révélé un élément troublant : le 8 juillet 2015, le même jour que cette rencontre secrète, le MPC a demandé à la police judiciaire fédérale de rouvrir les boîtes contenant notamment les données issues de la perquisition à la Fifa relatives au paiement de 2 millions de francs suisses à Michel Platini.

Mais comme l’a souligné Le Monde, ces données étaient à la disposition du parquet fédéral dès le 28 mai, et avaient été examinées par les procureurs le 26 juin, soit avant la rencontre secrète, lors d’une réunion de cinq heures avec les avocats de la Fifa.

L’ancien procureur du parquet fédéral Olivier Thormann, qui a lancé l’enquête contre Platini et Blatter, a indiqué à l’audience qu’il a été renseigné sur le paiement de 2 millions de francs suisses dès le 27 mai 2015, lors d’une perquisition au siège de la Fifa à Zurich, par l’ex-directeur financier de la fédération internationale Markus Kattner. Lequel a démenti lors du procès.

Olivier Thormann est soupçonné par la justice suisse d’avoir participé, en juin 2017, à l’une des rencontres secrètes avec Infantino – ce qu’il dément. Mais aucun élément ne démontre à ce stade que cela a pu influencer l’enquête menée sur Michel Platini : après qu’Olivier Thormann a quitté le MPC en 2018, l’enquête a été poursuivie et clôturée par deux autres procureurs.

Yann Philippin

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