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NOYAUZERONETWORK.ORG / GENEVA, SWITZ.
« Le cinéma est ma religion, j’exige l’ouverture de mon temple »

EXTRAIT La quasi-totalité des messages envoyés insistent sur le manque profond lié à la fermeture des cinémas, théâtres et musées, que n’a guère comblé la réouverture en trompe-l’œil et en pointillé de la période estivale.

Kelia, Parisienne de 18 ans, estime ainsi que « l’entracte devient long ».Noëlle, 57 ans, qui vit dans le Denaisis, juge que « ces moments de détente et de culture nous manquent trop. Cela n’est pas sans conséquence sur notre psychisme, nous n’avons plus le droit que de travailler, faire nos courses et rentrer chez nous à l’heure, ça ne peut plus durer ! »

Un manque qui ne fait que s’accentuer au fur et à mesure que les semaines de privations culturelles s’additionnent, comme pour Nelly, 33 ans, habitante du Val-de-Marne, qui raconte : « Au premier confinement j’ai été beaucoup plus patiente par rapport au manque de culture puisque tout était à l’arrêt […] Depuis le deuxième confinement, je le vis beaucoup plus mal. Les musées et les cinémas me manquent terriblement. »

Jean-Pierre, 55 ans, qui vit dans l’Aude et s’est précipité dans sa voiture pour faire cinquante kilomètres afin d’aller voir, sur grand écran, le film d’animation Josep lorsque le deuxième confinement a été annoncé, regrette autant le cinéma que la musique vivante : « Je vais régulièrement en concert. Alors ne pas pouvoir vibrer avec des artistes que j’aime en sachant qu’en Espagne (à 1 h 30 de mon domicile), c’est possible d’aller dans les salles de concert, ça pose question. »

Le manque n’est pas seulement corollaire de la disparition du contact avec les œuvres et les artistes. Il englobe la vie sociale que la sortie culturelle permettait. « Depuis un an nous avons mis presque tous nos sens de côté et ce qui les nourrit,écrit Caroline, une Parisienne de 24 ans. Mais depuis 100 jours elle est devenue un plaisir solitaire, rentrant ainsi en antinomie avec son essence même. »

Alain, 75 ans, habitant aux Saintes-Maries-de-la-Mer « où l’hiver est long et monotone »,avait pour habitude de louer avec sa compagne « un appartement à Marseille pour aller au cinéma, au théâtre, au restaurant, participer à une chorale tous les vendredis, jouer au bridge avec les amis, boire le café tous les matins avec mes voisins pour rire, se raconter des histoires à la Pagnol sur Marseille. Mais voilà, depuis un an déjà, tout cela a disparu et nous restons aux Saintes pour échapper à ce virus qui tue les gens de notre âge, 75 et 71 ans ».

Même si Anne, Parisienne de 55 ans, n’a pas « la sensation d’être en manque de “culture” à proprement parler », car son « appartement est envahi de bouquins » et que de « nombreuses voix agréables artistiques, culturelles, des musiques écartent les murs de notre appartement HLM », beaucoup de témoignages évoquent davantage qu’un manque : un vide existentiel.

Ainsi de Guy, 75 ans, qui vit avec son épouse en Alsace et ont tous deux le sentiment d’être « réduits à l’état de zombies ». Ou de Séverine, 49 ans, qui habite le Gers. Atteinte d’Asperger et invalide, elle sort peu, sauf justement pour des sorties culturelles. « Lors du premier confinement, mon anxiété n’était pas la maladie ou le fait de manquer de PQ, de farine ou de masques, mais j’avais peur que le festival pour lequel j’avais réservé deux places dix mois auparavant soit annulé », écrit-elle. En ajoutant : « Pour les personnes comme moi, le cinéma, le théâtre, les salles de concerts, les musées, sont essentiels. Ma vie est entre parenthèses depuis un an. Ma santé physique s’est dégradée, autant que mon mental. »

Quant à son fils de 22 ans, passionné de musique et de cinéma, qui « n’a pas branché sa guitare sur un ampli depuis un an », il se « demande s’il assistera de nouveau un jour à un concert ».

Ce vide est, dans de nombreux témoignages, rempli d’une colère sans fin. « Enfermée entre les quatre murs de mon appart, je fulmine. Triste monde ! », s’exclame ainsi Emmanuelle, Lyonnaise de 53 ans. Lisa, 18 ans, qui vit dans les Hauts-de-Seine, raconte ainsi sa première année à l’université : « Je pensais sortir des cours et me ruer dans un bar, au cinéma, visiter des musées, aller voir des conférences, participer à des concours d’éloquence. […] Je me sens punie par le gouvernement, qui pense que nous sommes l’origine de tous les maux. Nous savons maintenant ce qui compte vraiment pour l’État : le travail. »

Pour Annie, 70 ans et habitante de Rouen, « la suppression par l’État de toute culture n’est pas innocente puisque les églises restent ouvertes ; c’est un processus rapide de suppression de tout contact social, toute réflexion individuelle, tout partage physique présentiel au profit unique des écrans digitaux. Ce choix politique et idéologique de l’isolement et de la peur a une fonction : museler, bâillonner, éradiquer toute expression individuelle et collective ».

Pauline, qui a 29 ans et habite dans le Val-d’Oise, s’adresse directement à l’exécutif en des termes qui vont résonner dans ce territoire faisant partie des seize départements dont le reconfinement, pour au moins quatre semaines, a débuté ce week-end : « Mais qui êtes-vous pour me dire ce qui est essentiel ou non ? Et je vous le demande, en ces temps de douleur, d’isolement et de deuil, qu’y a-t-il de plus important que la culture ? Comment fait-on pour se changer les idées ? Pour penser à autre chose ? »

Maurice, qui a 74 ans et vit à Paris, va, lui, jusqu’à écrire : « Les mesures prises par le gouvernement Macron, en retard et non proportionnées, ont détruit ma vie. En particulier, et surtout, en détruisant ma vie culturelle. […] Je suis devenu un légume ! »

Derrière la colère, c’est en effet souvent une forme de tristesse qui affleure ou s’affirme, ainsi de Margot, 31 ans, qui vit à Lille. Cette maman d’une enfant de cinq ans avait pour habitude d’assister à un spectacle vivant avec elle une fois par semaine : théâtre, marionnettes, concert, en salle ou dans la rue… Mais « l’automne et la deuxième vague sont arrivés à leur tour. Depuis, chaque week-end que je passe avec ma fille, je suis angoissée. […] Triste de ne plus voir, depuis si longtemps, le visage de ma fille s’illuminer d’excitation lorsque les lumières s’éteignent, nos mains se serrer ».

Les demandes de réouverture sont, alors et logiquement, nombreuses. Ainsi d’Inès qui vit en Île-de-France et s’interroge : « Pourquoi ne pas rouvrir tous les lieux culturels, avec des quotas afin de respecter les distances, voire avec des tests PCR avant les représentations ? Quelle différence entre un supermarché bondé, des transports en commun pleins à craquer, et une salle de musée à la fréquentation régulée, un concert en plein air ou un spectacle avec un public réduit ? »

Ou pour le dire comme Eve, qui n’a donné ni son âge ni son lieu de résidence : « Le cinéma est ma religion, j’exige l’ouverture de mon temple. »

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