Economie verte: mobiliser les solutions des entreprises

Interview. avec Peter Bakker, nouveau Président du Conseil mondial des entreprises pour le développement durable (WBCSD)
Quel est le rôle du WBCSD ?
Le Conseil mondial des entreprises pour le développement durable (WBCSD) est une organisation regroupant des présidents et directeurs généraux de sociétés avant-gardistes désireux de créer un avenir durable pour les entreprises, la société et l’environnement. De concert avec ses membres, le Conseil applique son leadership intellectuel et un plaidoyer efficace pour générer des solutions constructives et prendre des mesures partagées. Le Conseil fournit une plate-forme pour ses 200 sociétés membres (qui représentent tous les secteurs d’affaires, tous les continents et un chiffre d’affaires combiné de plus de US$ 7000 milliard) afin de partager les meilleures pratiques en matière de développement durable et de développer des outils innovants. Nous bénéficions également d’un réseau de 60 conseils nationaux et régionaux et organisations partenaires, dont une majorité basée dans les pays en développement.
Que pensez-vous de Genève ?
Le WBCSD est basé à Genève depuis 1995. La ville est un pôle central pour les organisations internationales, qu’elles soient onusiennes ou non, et comme nous interagissons et travaillons avec un grand nombre d’entre elles, Genève est un endroit très pratique. C’est aussi une belle ville offrant une vue incroyable sur le lac et les montagnes. Enfin, Genève est idéalement situé en Europe et offre tous les avantages d’une grande ville internationale sans les inconvénients.
Vous étiez PDG de TNT. Pourquoi avez-vous décidé de rejoindre le WBCSD ?
C’est très simple. J’ai endossé ce nouveau rôle parce que je veux sauver le monde. Cela peut paraître simpliste ou arrogant, mais ce n’est pas le cas. Je pense que nous sommes aujourd’hui dans une situation très particulière et je vois une combinaison de signaux positifs qui me font penser que les fondements menant à un changement plus radical dans les décennies à venir se mettent actuellement en place. Les entreprises commencent à intégrer le développement durable dans leurs stratégies, les Nations Unies reconnaissent de plus en plus que le secteur privé est essentiel pour trouver des solutions aux défis sociaux, économiques et environnementaux de la planète, et les ONG et les entreprises travaillent ensemble. Les entreprises sont non seulement considérées comme des acteurs crédibles dans les discussions mais certaines personnes affirment même que la clé des solutions viendra des entreprises vues les difficultés qu’ont les hommes politiques à assurer le leadership. De nombreuses entreprises progressistes commencent à montrer leur feuille de route et je crois qu’il n’y a pas d’organisation plus apte que l’entreprise pour faire face à une évolution rapide des environnements. Sur une note plus personnelle, le moment était venu pour moi de passer à autre chose. J’ai été à la tête de la TNT pendant dix ans et étais à la recherche d’un nouveau défi, en adéquation avec mon cheminement personnel. Un élément clé de ce cheminement a été ma participation au Programme alimentaire mondial des Nations Unies qui m’a véritablement appris que nous avons aujourd’hui les moyens de provoquer le changement, et je veux prendre part à ce changement.
Quelles sont les priorités du WBCSD en 2012 ?
Le monde se prépare pour la Conférence des Nations Unies pour le développement durable en Juin, mieux connue sous le nom de Rio +20. Malgré le manque de clarté de l’ordre du jour, Rio +20 sera une étape importante pour le WBCSD puisqu’à l’origine, nous avons été fondés dans le but de porter la voix des entreprises au Sommet de la Terre en 1992. Un ensemble de trois initiatives complémentaires formera le noyau de nos activités à Rio. Tout d’abord, Vision 2050, un rapport qui décrit les voies permettant de parvenir à un monde de 9 milliards d’habitants vivant décemment, tout en respectant les limites des ressources de notre planète, sera la pierre angulaire de notre apport. Deuxièmement, nous dévoilerons Changing Pace, un document de réflexion définissant un cadre de politique publique pour Vision 2050. Troisièmement, nos compagnies membres ont accepté d’adhérer à des « engagements à l’action » afin de démontrer qu’elles sont sérieuses quant à la mise en œuvre de Vision 2050. En outre, avec la Chambre de commerce internationale et le Pacte mondial des Nations Unies, le WBCSD convoquera le « Business Action for Sustainable Development » (BASD 2012), une plate-forme visant à impliquer officiellement les entreprises progressistes avec les Nations Unies et ses pays membres. Un engagement clé du BASD sera la Journée des entreprises le 19 juin à Rio, la veille du début du sommet.
Est-ce la crise économique actuelle a un impact négatif sur les efforts des entreprises en faveur du développement durable ?
Si vous considérez que la durabilité est une option, alors sans aucun doute qu’une crise économique mondiale telle que celle que nous vivons actuellement contribuera à détourner les entreprises de la durabilité. Cependant, ce n’est pas le cas pour les sociétés progressistes que le WBCSD représente. Je veux croire qu’elles représentent un capitalisme consciencieux, dans le sens qu’elles comprennent qu’elles ne sont pas déconnectées des sociétés dans lesquelles elles opèrent, qu’elles font partie du tissu social.
Selon vous, quels sont les défis auxquels devra faire face le WBCSD au cours des 5 prochaines années ?
De mon point de vue, le principal défi sera de mobiliser des solutions axées sur les entreprises. Je crois que les entreprises joueront un rôle crucial dans la résolution de certains des défis les plus urgents de la planète. Mais pour avoir un plus grand impact, nous avons besoin de changer d’échelle et de partager les bonnes solutions que de nombreuses entreprises ont déjà développées tout en poursuivant nos efforts de sensibilisation. Il s’agira à la fois d’encourager davantage d’entreprises à participer à des programmes de durabilité et d’assurer que les solutions durables reçoivent le soutien nécessaire des gouvernements et décideurs. Et enfin, dans un monde sous pression croissante, de la façon dont nous utilisons les ressources aux nombreuses inégalités présentes dans nos sociétés, il est clair que le changement d’échelle doit se faire rapidement.
Peter Bakker, Président http://www.wbcsd.org/home.aspx