La CPI, une juridiction qui ne fonctionne pas

Alors que le nombre de victimes civiles ne cesse d'augmenter à Gaza, Serge Sur, professeur émérite à l'université Panthéon-Assas, estime que la Cour pénale internationale démontre à nouveau son impuissance face aux atteintes au droit humanitaire.

Publié le 06 août 2014 à 11h04 - Mis à jour le 06 août 2014 à 14h01 Temps de Lecture 3 min.

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Le ministre des affaires étrangères palestinien, Riyad Al-Maliki, en visite à la Cour pénale internationale à la Haye, le 5 août 2014, pour discuter de la situation à Gaza.
Le ministre des affaires étrangères palestinien, Riyad Al-Maliki, en visite à la Cour pénale internationale à la Haye, le 5 août 2014, pour discuter de la situation à Gaza. AFP/Martijn Beekman

Au cours des mois récents, nombre de violences internationales ont retenu l'attention des médias, mais n'ont guère mobilisé les diplomaties au-delà de mesures symboliques qui ne les ont pas empêchées de se déployer. On ne négocie plus, ou à vide. La diplomatie internationale se limite à des protestations et à des dénégations unilatérales. Dérive inquiétante face à des conflits qui, pour l'instant, demeurent de basse intensité, sauf pour les civils exposés à de grands massacres.

Alors que, depuis des décennies, des efforts considérables ont été entrepris pour prévenir le retour des massacres et réprimer leurs auteurs, aujourd'hui, qu'observons-nous ? L'absence de la Cour pénale internationale (CPI) face aux atteintes massives au droit humanitaire qu'elle a pour objet de sanctionner. En Libye, en Irak, en Syrie, à Gaza, saisie ou non, elle est impuissante. Or le statut de Rome a été adopté, en 1998, sous la pression de la société civile internationale qui s'en faisait l'expression. On peut pour chaque conflit trouver une explication, comme les obstacles à sa saisine : imagine-t-on traduire M. Nétanyahou, qui démontre son dédain à l'encontre du droit humanitaire, devant la CPI ?

Lire la tribune d'Alia Aoun (en édition abonnés): Qu'attendent les Palestiniens pour saisir la Cour pénale internationale ?

UN MANQUE DE MOYENS D'ACTION

Mais le mal est plus profond. Il tient à la nature même de la CPI, vouée à devenir une nouvelle Société des nations, construite sans bases solides ni moyens d'action. Comment une Cour sans appui coercitif d'une police internationale, qui suppose, pour fonctionner, la coopération des Etats dont les responsables peuvent être poursuivis, dont la conception même a reposé sur la méfiance à l'égard du Conseil de sécurité, pourrait-elle être efficace ? Sans moyens d'action : enquêtes impossibles sur des terrains de bataille, mandats d'arrêt inexécutés, procédures transformant chaque procès en feuilleton judiciaire, témoins qui se dérobent.

Ce n'était pas être étroit, pessimiste, voire réactionnaire que de prévoir un tel aboutissement, et de ne pas voir dans la CPI une avancée formidable du droit international. On a critiqué ceux qui en doutaient. Ils se consolaient avec Stendhal écrivant que tout bon raisonnement offense. Sans glaive et sans balance, la CPI est vouée à des procès résiduels d'opposants livrés par leurs gouvernements. Avant elle, des tribunaux pénaux spéciaux (ex-Yougoslavie, Rwanda), institués par le Conseil de sécurité et appuyés sur son autorité, ont fonctionné et condamné à juste titre – mais leurs incriminations ont visé les vaincus plus que les vainqueurs.

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