
Au septième film, Terrence Malick s’en fut à Hollywood. A la manière d’un Roland Barthes qui serait devenu pour l’occasion cinéaste américain, le réalisateur du Nouveau Monde s’est essayé à l’exercice périlleux des « Mythologies ». De Los Angeles à Las Vegas en passant par le désert, il a filmé, beaucoup filmé, avant de se livrer à un étonnant travail de collage. Au final, le film s’appelle Knight of Cups. Ses premiers spectateurs berlinois n’en sont pas encore revenus.
Ce « chevalier de coupes », c’est Rick (Christian Bale). Un « Hollywoodien » comme il y en a tant, attendant ce jour où les astres voudront bien faire de lui une star. Au tarot, jeu auquel Malick se réfère explicitement, ce serait paraît-il une personnalité qui idéalise l’amour, calme et douce, attentive aux autres. Rick serait plutôt du genre chevalier à la coupe qui se cherche ; un héros tourmenté qui voudrait bien donner un sens à sa vie.
Avec Knight of Cups, Malick poursuit l’exploration de l’Amérique qu’il avait initiée dans La Balade sauvage, Les Moissons du Ciel et, bien sûr, Le Nouveau Monde. Et si le Hollywood qu’il dépeint rappelle de loin celui de Cronenberg (Mass to the stars) ou de Paul Schrader (The Canyons), il faut tout de suite ajouter ceci : personne ne filme comme Malick, personne ne monte comme Malick, personne ne met en voix et en musique ses films comme Malick.
Lumière naturelle
L’image ? Signée Emmanuel Lubezki, elle n’est faite qu’en lumière naturelle, quel que soit le matériau filmique choisi. Le montage image tient à la fois du chapitrage et du collage. Il est indissociable du montage son où, comme souvent chez Malick, les voix off tiennent une place prépondérante. Rien à voir avec celles, guidant le spectateur, de François Truffaut ou de Woody Allen. Qu’il s’agisse de Rick ou de certaines des femmes qu’il a aimées (interprétées en particulier par Cate Blanchett et Natalie Portman), leurs voix off éclairent leurs états d’âme. Ouvrent des pistes comme autant de voies intérieures.
Knight of Cups est un film totalement « malickien ». Et si, par instants, il flirte du côté du cliché, c’est pour signifier quelque chose dont Malick n’a pas forcément l’habitude. Une « party » hollywoodienne ? Il réquisitionne une splendide maison de stars, y entasse des centaines de figurants et demande à Antonio Banderas de faire son cabot. Corrosif et hilarant !
Dûment chapitré – « La lune », « Le pendu », « L’ermite », « Le jugement », « La tour », « Mort », « Liberté »… – Knight of Cups explore un certain nombre de lieux typiques de Los Angeles (Sunset boulevard et ses boîtes de strip-tease, Hollywood et ses studios, Venice, Santa Monica) et de Las Vegas. Comme si Malick, non content d’avoir fait du Malick, avait voulu ajouter une petite touche documentaire teintée de Fellini.
Toujours aussi ambivalent, alternant espoir et mélancolie, l’auteur de La ligne rouge se demande, cartes en main, si l’avenir est écrit quelque part. Sa quête parmi la faune hollywoodienne et dans le monde en toc de Las Vegas n’ayant rien donné, son héros n’a plus qu’à partir vagabonder dans le désert, sous la voûte céleste. Et, qui sait, en chemin, peut-être Rick parviendra-t-il à trouver un sens à sa vie.