« Charlie Hebdo » visé par une attaque terroriste, deuil national décrété

Après l'attaque terroriste qui a coûté la vie à 12 personnes, sept personnes ont été mises en garde à vue mercredi soir, a indiqué le parquet.

Publié le 07 janvier 2015 à 12h03 - Mis à jour le 23 mars 2016 à 18h05

Temps de Lecture 7 min.

La rédaction du journal satirique Charlie Hebdo a été la cible d'un attentat, mercredi 7 janvier en fin de matinée à Paris, qui a fait douze morts. Un avis de recherche a été lancé en début de nuit contre trois suspects.

Le plus jeune homme recherché, âgé de 18 ans, s'est rendu dans la nuit au commissariat de Charleville-Mézières, dans les Ardennes. Une source policière, contactée par Le Monde a affirmé qu'« aucune charge » n'avait été retenue pour l'heure contre lui, et que « dans son cas, il ne s'agit que de simples vérifications. » Le jeune homme, qui est de la même famille que les deux principaux suspects, a tout de même été placé en garde à vue.

Suivez toutes les dernières informations dans notre live : Un des suspects s'est livré à la police, deux frères recherchés

La police a concentré ses recherches sur Chérif Kouachi et Saïd Kouachi, deux frères âgés de 32 et 34 ans, identifiés grâce à une carte d'identité laissée dans l'une des voitures ayant servi à leur fuite. Le premier, Chérif Kouachi, avait été condamné en 2008 pour avoir participé à une filière d'envoi de combattants en Irak, la filière dite des « Buttes Chaumont ». « Toute personne détenant des informations » sur les suspects est invitée à joindre le numéro vert 0805 02 17 17, précise la préfecture de Paris. 

Lire aussi notre synthèse : Que sait-on des deux suspects recherchés ?
Appel à témoins lancé par la préfecture de Paris.
Appel à témoins lancé par la préfecture de Paris. Préfecture

Selon les sources policières contactées par Le Monde, des perquisitions avaient été menées mercredi en début de soirée à Charleville-Mézières. Une opération de police a également eu lieu à Reims vers 23 heures. Sept membres de l'entourage des auteurs présumés de l'attaque ont été mis en garde à vue mercredi soir, a indiqué le parquet jeudi 8 janvier au matin.

  • 12 morts, 11 blessés, dont 4 grièvement

L'attaque a décimé la rédaction de Charlie Hebdo. Parmi les morts figurent de nombreux journalistes, dont les dessinateurs Charb, Cabu, Wolinski, Tignous, Honoré, Elsa Cayat, Mustapha Ourad ainsi que Bernard Maris, chroniqueur pour Charlie Hebdo et France Inter.

Lire aussi : Charb, Cabu et les autres, assassinés dans leur rédaction

Un agent d'entretien de l'immeuble, Frédéric Boisseau, 42 ans, collaborateur de Sodexo, et un invité de la rédaction, Michel Renaud, ont également péri dans l'attaque. Selon le procureur, deux policiers clôturent ce macabre bilan. L'un, le brigadier Franck Brinsolaro, du Service de la protection (SDLP, ex-SPHP) était chargé de la sécurité de Charb, selon des sources syndicales policières. L'autre, Ahmed Merabet, a été tué à l'extérieur, alors que les assaillants prenaient la fuite.

Il s'agit de l'attentat le plus meurtrier en France depuis celui de l'Organisation armée secrète (OAS) contre un train Strasbourg-Paris, qui avait fait 28 morts en 1961, durant la guerre d'Algérie.

Le procureur de Paris, François Molins, a également annoncé que onze personnes avaient été blessées, dont quatre grièvement, parmi lesquelles le journaliste Philippe Lançon et deux policiers. Selon les informations du Monde, Philippe Lançon, critique littéraire à Libération et chroniqueur régulier de Charlie, a été grièvement blessé au bas du visage par une balle. Il a été opéré à la Pitié-Salpêtrière, et ses jours ne sont pas en danger.

Lire aussi le reportage de notre envoyée spéciale après le drame : Devant « Charlie Hebdo » : « On a cru entendre des pétards, c'était des rafales »
  • Deux individus qui « se revendiquaient d'Al-Qaida »
Voir aussi : « Charlie Hebdo » : le film des événements

Le procureur Molins a livré dans la soirée un premier récit des événements. Au moins deux hommes cagoulés et vêtus de noir se sont introduits vers 11 h 30 dans les locaux de Charlie Hebdo après s'être d'abord trompés d'adresse, croyant trouver la rédaction au numéro 6 de la rue Nicolas-Appert.

Armés de kalachnikovs, ils ont tiré sur une personne qui se trouvait à l'accueil, avant de monter à l'étage pour atteindre la rédaction de Charlie Hebdo. Les journalistes étaient alors en pleine conférence de rédaction hebdomadaire. Les assaillants ont commencé à tirer sur les dessinateurs et journalistes, comme l'a relaté Coco, dessinatrice au journal, qui a précisé que les hommes « parlaient parfaitement le français » et « se revendiquaient d'Al-Qaida. »

Lire aussi : Comment s'est déroulée l'attaque contre « Charlie Hebdo »

« Les attaquants étaient renseignés et savaient qu'il y avait, le mercredi à 10 heures, la réunion de rédaction hebdomadaire. Sinon, le reste de la semaine, il n'y pas grand monde dans les locaux », explique une journaliste de Charlie Hebdo jointe par Le Monde, qui n'était pas sur place pendant l'attaque.

Les assaillants sont ensuite sortis de l'immeuble. Une vidéo prise par un journaliste de l'agence Premières Lignes montre que les hommes ont crié « Allah Akbar » (« Dieu est grand »), en continuant à tirer. Selon des témoins cités par des policiers, les agresseurs ont également crié : « Nous avons vengé le Prophète. »

Les hommes sont montés à bord de leur véhicule, puis, dans leur fuite, ils ont visé une voiture de police. Sur cette photo que s'est procurée notre envoyée spéciale sur place, on peut voir les tireurs face à une voiture de police. Les hommes ont fait feu, les policiers ont répliqué puis reculé.

La voiture des tireurs face à celle des policiers dans la rue de
La voiture des tireurs face à celle des policiers dans la rue de "Charlie Hebdo", le 7 janvier. Un témoin

Deux autres policiers, qui étaient à vélo dans cette zone, ont tenté ensuite d'intervenir boulevard Richard-Lenoir. Ahmed Merabe, un policier du commissariat du 11arrondissement, âgé de 42 ans, est touché par un tir. Les deux assaillants l'ont ensuite froidement abattu, selon le procureur de la République de Paris.

Carte de situation de l'attaque contre
Carte de situation de l'attaque contre "Charlie Hebdo". Le Monde.fr
  • Fuite vers le nord de Paris

Les tueurs reprennent alors leur fuite, passant place du Colonel-Fabien, en direction de la porte de Pantin. Ils percutent un véhicule Volkswagen, blessant sa conductrice. Ils abandonnent alors leur voiture rue de Meaux, près du parc des Buttes-Chaumont, dans le 19e arrondissement.

Ils braquent alors le conducteur d'une Clio, s'emparent de la voiture et prennent la fuite à bord de la Clio. On perd leur trace porte de Pantin. Depuis, la police a réussi à identifier les trois hommes et a lancé un avis de recherche. Le troisième s'est rendu dans un commissariat de Charleville-Mézières.

Une source policière a expliqué au Monde que « de très gros moyens sont mis en œuvre. On s'installe pour tenir dans la durée. Sont mobilisés les services de la DCPJ [direction centrale de la police judiciaire], de la PJPP [police judiciaire de la préfecture de police] et de la DGSI [direction générale de la sécurité intérieure]. Au total, près de 3 000 policiers sont actuellement mobilisés ».

Une enquête a été ouverte pour assassinat, tentative d'assassinat, vol à main armée en bande organisée, et association de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes, a annoncé le procureur Molins. Elle a été confiée à trois services de police : la DCPJ, la section antiterroriste de la brigade criminelle de la police judiciaire de Paris (le 36 quai des Orfèvres) et la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

  • Des hommes visiblement entraînés

Des observateurs militaires interrogés par Le Monde remarquent que le comportement des tueurs est celui de soldats aguerris et témoigne d'un entraînement solide. Selon un policier, ancien membre d'un service de protection rapprochée, interrogé par l'Agence France-Presse, « on le voit clairement à la façon dont ils tiennent leurs armes, dont ils progressent calmement, froidement : ils ont forcément reçu une formation de type militaire. Ce ne sont pas des illuminés qui ont agi sur un coup de tête ».

  • Plan Vigipirate et cellule de crise

Après l'attaque, le plan Vigipirate a été relevé en Ile-de-France à « alerte attentats », le niveau le plus élevé a annoncé Matignon. Les sorties scolaires à Paris ont été suspendues jusqu'à nouvel ordre et les effectifs de soldats en patrouille passent de 450 à 650 hommes.

Le premier ministre, Manuel Valls, a « activé la cellule interministérielle de crise et a confié la conduite opérationnelle au ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve ». Un dispositif policier a également été déployé à proximité des autres rédactions parisiennes.

Lire aussi : Le plan Vigipirate porté au niveau « alerte attentat » en Ile-de-France

  • Une journée de deuil national décrétée
Voir aussi : François Hollande : « Notre meilleure arme, c’est notre unité »

François Hollande a décrété une « journée de deuil national » en France et renouvelé son appel au rassemblement du pays, après l'attentat. « Notre meilleure arme, c'est notre unité. Rien ne peut nous diviser, rien ne doit nous séparer », a déclaré le chef de l'Etat lors d'une adresse courte et solennelle à la Nation retransmise sur les chaînes de télévision. Les drapeaux seront aussi mis en berne pendant trois jours, a précisé François Hollande.

Lire les réactions : La classe politique appelle à l'« unité nationale »

 Toute la journée, les réactions se sont multipliées pour dénoncer le drame. Particulièrement ému, l'ancien directeur de Charlie Hebdo, Philippe Val, a réagi sur l'antenne de France Inter, jugeant que « notre pays ne sera plus le même ».

  • Menaces courantes et protection policière

Selon le rédacteur en chef, Gérard Biard, actuellement à Londres et joint par Le Monde, « les menaces étaient ressenties de façon moins forte ces derniers temps à Charlie Hebdo. L'attaque est d'autant plus choquante. »

Lire aussi : A « Charlie Hebdo », les menaces « étaient ressenties de façon moins forte ces derniers temps »

Une journaliste de Charlie Hebdo, qui n'était pas sur place mais en contact avec des collègues sur place, explique que « ces derniers mois, on ne sentait pas une inquiétude immense malgré les menaces ».

« Bien sûr, nos locaux étaient sous protection policière, Charb était sous protection policière, mais il se déplaçait parfois sans ses policiers, ce qui est un signe qu'il n'était pas inquiet à chaque instant. (...) Luz et Riss avaient eux aussi eu une protection policière, mais elle avait été levée il y a un an environ. »

Lire le décryptage : « Charlie Hebdo », un journal régulièrement menacé
  • Organisation de rassemblements de solidarité

Après l'attaque, des appels à des rassemblements de solidarité avec la rédaction de Charlie Hebdo se sont multipliés partout en France. Au total, plus de 100 000 personnes ont participé dans tout le pays à ces rassemblements.

Lire aussi notre reportage : Place de la République, « le message est clair : les assassins ne gagneront pas »

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