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Design. La lampe Snoopy, un intemporel qui a du chien

 «Never forget to smile!» En 1967, les frères Castiglioni dévoilent une lampe facétieuse, inspirée d’une BD comique. Contre toute attente, une icône du design est née.

Elle est née à Milan mais penche comme la tour de Pise. Cette lampe à poser est un objet de luxe qui ne se prend pas au sérieux. Ses créateurs, Pier Giacomo (1913-1968) et Achille Castiglioni (1918-2002), ont toujours fait infuser leurs objets dans une bonne dose d’humour. Sans jamais se départir de leur bon sens, comme l’illustrait déjà ce siège de tracteur détourné en tabouret (Mezzadro) en 1957, sorte de «ready-made» transposé au domaine du design.

À l’instar des surréalistes, les frères Castiglioni ont souvent transformé des objets usuels en chefs-d’œuvre, utilisant des pièces produites en série dans leurs conceptions: le résultat était visuellement marquant, culturellement significatif et porteur pour l’industrie.

Leur esthétique est aisément identifiable: fonctionnement mis en évidence, allié à un certain goût du «moins» (ce but ultime du point où il n’est plus possible de faire moins, «where you could not do less», en écho à la devise «Less is more» de Mies van der Rohe et de ses acolytes du Bauhaus).

Mais leur sens de l’épure est toujours sauvé de la sévérité par une touche de gaieté réjouissante. Les Castiglioni ont dessiné en 1964 une célèbre chaîne stéréo qui sourit (la mythique RR 126 pour Brionvega); rien d’étonnant à ce qu’ils aient puisé leur inspiration dans un personnage de bande dessinée comique pour imaginer la lampe Snoopy trois ans plus tard.

Le sérieux est une maladie

Il faut dire que Snoopy, Charlie Brown, Lucy et Woodstock ont alors atteint le statut de stars internationales. Couverture de Time Magazine en 1965, dessin animé, produits dérivés, le comic strip Peanuts de Charles Schulz a fait du chemin depuis sa première parution en 1950. Jusqu’en Italie, on riait des maximes farfelues du beagle noir et blanc qui rêvait de conquérir la Lune en se gavant de chocolat.

La lampe Snoopy, avec son corps incliné et son chapeau oblique, semble pointer du museau vers les cieux. Pour les frères Castiglioni, il était important de «toujours plaisanter». Formés à l’architecture, ils ont démarré leur collaboration en 1944, période marquée par l’austérité. Dans l’immédiate après-guerre, la rareté des commandes architecturales les a incités à proposer des objets aux fabricants italiens pour relancer leur activité.

La lumière est filtrée par un disque de verre masqué par l’abat-jour de métal et, détail rare à l’époque, son pied est doté d’un variateur.

«Il doit y avoir de l’ironie, à la fois dans le design et les objets»confiait Achille«Je vois autour de moi une maladie professionnelle: celle de prendre chaque chose trop au sérieux.» Cette lampe, facétieux clin d’œil qui deviendra un classique du design, marquera aussi la fin d’une époque. Il s’agit d’une de leurs dernières collaborations: Pier Giacomo s’est éteint l’année suivante, en 1968.

Recette du succès?

Derrière la touche ludique (les trois trous d’aération, destinés à éviter la surchauffe, rappellent ceux d’une boule de bowling), la lampe révèle un don certain chez les Castiglioni pour associer notions patrimoniales du design et avant-gardisme. Elle mêle des références variées et évoque des symboles culturels forts.

L’utilisation de marbre de Carrare pour son piètement l’ancre dans la tradition et l’histoire, tandis que son profil flaire (littéralement) l’air du temps. Mais elle fait aussi preuve d’astuce technologique: la lumière est filtrée par un disque de verre masqué par l’abat-jour de métal et, détail rare à l’époque, son pied est doté d’un variateur.

Le secret réside peut-être dans la capacité d’empathie des Castiglioni.

Si elle n’est peut-être pas aussi connue du public qu’un autre luminaire des frères Castiglioni, le lampadaire Arco, le succès de la lampe Snoopy ne s’est jamais démenti. Pour fêter ses 50 ans, elle s’est parée d’orangede vert, s’est affichée en noir mat.

Au-delà de son originalité et de sa faculté à s’adapter aux époques et aux situations, le secret réside peut-être dans la capacité d’empathie des Castiglioni, qui déclaraient «sentir la relation de sentiment partagé entre le designer et l’utilisateur».

Consécration: à Milan, une rue porte le nom des designers Pier Giacomo, Achille et Livio (leur frère aîné, lui aussi formé à l’architecture et au design, avec lesquels ils ont collaboré jusqu’en 1952).

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