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Les espèces non indigènes sont aussi bénéfiques pour l’écosystème

AUTRES La sensibilisation aux espèces non indigènes, souvent qualifiées d’«invasives», a considérablement augmenté au cours des cinquante dernières années, à tel point que toute personne ayant une conscience
écologique a entendu parler de celles-ci et de leurs effets négatifs, qu’il s’agisse de la moule zébrée ou de l’ambroisie. Toutefois, l’apport de ces espèces peut également se révéler positif, à l’instar de certains
vers de terre qui participent à l’amélioration des processus à l’œuvre dans l’agriculture biologique. C’est ce que démontre une recherche menée par une équipe de l’Université Brown, aux Etats-Unis,
impliquant également des chercheurs/euses de l’UNIGE. Ces résultats sont à découvrir dans la revue Trends in Ecology and Evolution.


Dans la littérature scientifique, des préjugés de longue date sur les espèces non indigènes ont obscurci les processus de recherche et entravé la compréhension du public. Dans un récent article de synthèse publié dans la revue Trends in Ecology and Evolution, une équipe internationale comprenant des chercheurs et chercheuses de l’Université Brown, de l’Université de Genève (UNIGE) et de l’Université de Washington souligne que la majorité des études portant sur ces espèces se concentre sur leurs conséquences négatives. Dans ce nouvel article, les scientifiques proposent de déplacer la focale et de
considérer également les avantages et bienfaits de ces espèces afind’instaurer un débat plus équilibré.
«Les impacts positifs des espèces non indigènes sont souvent expliqués comme des surprises fortuites, le genre de choses que les gens pourraient s’attendre à voir se produire de temps en temps, dans des circonstances particulières», indique Dov Sax, professeur au Département d’écologie, d’évolution et de biologie organique de l’Université Brown. «Notre étude soutient que les impacts positifs des espèces non indigènes ne sont ni inattendus, ni rares, mais au contraire communs, importants et souvent de grande ampleur.»


Bons pour l’homme et la nature

L’étude emprunte un cadre récemment développé par IPBES, une plateforme internationale pour l’évaluation de la biodiversité et de ses services écosystémiques, qui examine les avantages de la biodiversité pour les êtres humains et la nature, et applique celui-ci aux espèces non indigènes, démontrant les formes diverses, fréquentes et importantes de leur apport positif. «Nous voulons fournir un cadre permettant aux scientifiques d’envisager ces espèces de manière constructive et de documenter explicitement leurs avantages»,explique le chercheur. «Ce n’est qu’à ce moment-là que nous serons

en mesure de les comparer et de les opposer de manière précise et complète afin de réaliser des analyses de type «coûts-bénéfices» qui peuvent être vraiment utiles pour prendre des décisions politiques.»
Les auteurs/trices reconnaissent que certaines espèces non indigènes, comme les agents pathogènes et les parasites agricoles introduits, entraînent des coûts nets indiscutablement élevés. Mais ils et elles
notent que la plupart des espèces domestiquées – y compris les aliments comme le blé et les tomates, les fibres comme le coton et la laine, et les animaux de compagnie comme les chiens et les poissons
rouges – apportent de grands avantages nets aux sociétés humaines. Les scientifiques ont axé leur examen sur les espèces qui ne sont pas directement gérées par l’homme – les espèces dites «sauvages»
ou «naturalisées» – en notant que nombre d’entre elles présentent simultanément des coûts et des avantages pour l’homme et la nature.


Le «plus» du ver de terre sur l’agriculture biologique

L’étude cite les vers de terre comme exemple d’espèce non indigène dont les avantages sont sous-estimés. S’ils peuvent modifier de manière négative les écosystèmes forestiers, ils peuvent égalemen
améliorer l’agriculture biologique. Une meta-analyse a en effet montré que leur présence peut entraîner une augmentation de 25 % de la productivité agricole. La diminution du coût des aliments qui en résulte et la capacité accrue à nourrir les gens constituent un avantage économique direct.

L’étude met également en avant les avantages inattendus d’une autre espèce non indigène, la truite brune. Prenant l’exemple de la NouvelleZélande, elle démontre que la plupart des espèces non indigènes qui ont envahi le pays ont des conséquences négatives, et que les résidents se concentrent donc sur leur éradication. Pourtant, le pays a bien adopté la truite brune: Les Néo-Zélandais en apprécient tellement les avantages nutritionnels et les avantages récréatifs liés à sa pêche qu’ils ont établi de nouvelles réglementations environnementales pour protéger l’espèce dans leurs eaux.
«Le cadre que nous posons fournit une topologie utile pour considérer les diverses façons dont les espèces non indigènes fournissent une valeur et nous l’utilisons ici pour illustrer des exemples représentatifs, mais non exhaustifs, de ces valeurs provenant de divers écosystèmes et régions», indique Martin Schlaepfer, chargé de cours à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UNIGE.
Un nouveau cadre de pensée L’étude préconise d’utiliser le cadre IPBES, qui décrit les nombreuses
manières dont la nature peut être valorisée, et de l’appliquer aux espèces non indigènes. «La relation que les gens entretiennent avec la nature, sa valeur intrinsèque, les services écosystémiques, l’approvisionnement en ressources sont autant d’éléments que nous apprécions chez les espèces indigènes. Il existe également des moye de voir que les espèces non indigènes contribuent à ces avantages», explique Martin Schlaepfer.
Par exemple, les espèces non indigènes peuvent être une cause majeure d’extinction d’espèces mais aussi contribuer, par leur propre migration, à la biodiversité régionale en augmentant la richesse
spécifique, y compris en Suisse. Les espèces de moules introduites dans les lacs suisses, par exemple, peuvent altérer les nutriments disponibles tout en augmentent la clarté de l’eau. «Nous soutenons que les préjugés de longue date contre les espèces non indigènes dans la littérature ont obscurci le processus scientifique mais aussi entravé les avancées politiques et la bonne compréhension du public.
Les recherches futures devraient tenir compte à la fois des coûts et des avantages des espèces non indigènes», conclut Martin Schlaepfer

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