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Livre. Nicolas Bouzou : « L’amant virtuel ne remplace absolument pas l’amour physique.

Même s’il étouffe en vase clos, le couple demeure un idéal de vie, assure l’économiste Nicolas Bouzou dans son dernier livre « L’Amour augmenté ».

Même s’il étouffe en vase clos, le couple demeure un idéal de vie, assure l’économiste Nicolas Bouzou dans son dernier livre L’Amour augmenté (1). Et l’amant virtuel n’est qu’un objet de consommation, un dérivatif.

L’amant virtuel, celui avec qui on échange sur Tinder en temps de confinement, est-il devenu si tentant car représentant – enfin ! – une consommation possible quand tant d’autres sont interdites ?
Nicolas Bouzou. 
-Dans ce domaine comme dans les autres, le Covid-19 agit davantage comme un accélérateur de changement que comme un agent de changement. Le phénomène de l’amant virtuel est lié à la conjugaison de deux phénomènes. Du côté de l’offre, le numérique et les smartphones – et même la Sex Tech – ont rendu possible les relations amoureuses dématérialisées. Du côté de la demande, les individus contemporains, habitués aux changements et à l’absence de frustration, se sentent parfois à l’étroit dans le couple. Le confinement accentue le temps passé chez soi, et aiguise les conflits intraconjugaux. Il n’est donc pas étonnant que les échanges avec les amants virtuels explosent. Ceci dit, l’amant virtuel est comme le télétravail ou l’e-commerce. Il ne remplace absolument pas l’amour physique, et il y a un débat pour savoir s’il s’agit vraiment d’infidélité. Pour ma part, je ne pense pas.

Votre livre pointe combien le capitalisme contemporain de l’hyperchoix nous pousse à l’infidélité. Infidèles aux marques, aux entreprises, aux partis politiques… et finalement à la compagne ou au compagnon ?
C’est plus compliqué. Certes, nous sommes devenus des consommateurs infidèles, des employés infidèles et des électeurs infidèles. Dans cette démocratie libérale parfaitement décrite par Tocqueville, l’individu a tendance à devenir sa propre finalité. Les technologies du numérique et de l’intelligence artificielle, l’essor des plateformes, le streaming façonnent un capitalisme antifrustration. Nous pouvons tout lire, tout voir, tout écouter, tout manger : seul notre plaisir compte. Cela modifie notre structure mentale. À l’inverse, le couple est une structure très rigide : un seul conjoint, auquel il faut être fidèle. Mais finalement, quand on regarde les statistiques, on voit que le couple résiste très bien. Les jeunes veulent le plus souvent vivre à deux. L’infidélité progresse, mais elle n’explose pas et elle n’est pas complètement déculpabilisée. En général, quand on trompe son conjoint, on en souffre. Il me semble que, dans une société très anxiogène, le couple et plus généralement la famille agissent comme une protection, comme une maison.

pourquoi la technologie innovante, y compris celle qui, via les applis, facilite l’infidélité, ne tuera pas selon vous le goût du couple ?
Parce que le couple répond à deux aspirations de notre société contemporaine. D’une part, comme je le disais, la volonté d’être protégé, y compris d’ailleurs financièrement puisque le couple est aussi une mutualisation de moyens matériels. D’autre part, le fait de se sentir exclusif. Ainsi, le polyamour, le fait d’être en couple non pas à deux mais à trois ou à quatre, progresse très peu dans nos sociétés. Cela représente environ 5 % des ménages. C’est dû selon moi au fait que c’est incompatible avec l’individualisme contemporain. En amour, on exige d’être considéré comme une personnalité unique, on demande une exclusivité. Nous voulons être, pour l’autre, un individu unique. Donc, on ne peut pas être plus de deux, ni moins de deux !

(1) L’Amour augmenté, de Nicolas Bouzou, Éd. de l’Observatoire.

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