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Movie. « Much Loved » : un film authentique et engagé sur la prostitution au Maroc. Un sans-faute

LE PLUS« Much Loved », un film sur la prostitution réalisé par un marocain et interdit de diffusion dans son pays, était sélectionné par La Quinzaine des Réalisateurs au festival de Cannes 2015. 

Oha (Loubna Abidar), Randa (Asmaa Lazrak), Soukaina (Halima Karaouane) et Hilma (Sara Elmhamdi-Elalaoui) sont des prostituées marocaines. Elles vendent sans vergogne du plaisir à des hommes qui n’hésitent pas à les humilier. Sans aucune aide extérieure, elles sont livrées à elle-mêmes. Elles tentent pourtant de vivre leur quotidien en tant que femmes épanouies, en recouvrant le jour la dignité qu’elles perdent la nuit.

Certaines comédiennes sont d’anciennes prostituées

Nabil Ayouch livre une œuvre engagée. Pour autant, il refuse de la qualifier de choc. La mise en scène est plus qu’audacieuse. Elle sait perturber les codes du cinéma marocain. Le cinéaste filme cette détresse féminine, montrant ces prostituées accomplir les pires choses pour exciter le client. L’œuvre est en soi très dure car elle montre une image féminine dégradée.

Paradoxalement, les scènes les plus perturbantes ne sont pas liées à la nudité, ni à la séquence du viol où un policier abuse de l’une de ces femmes pour classer un dossier. On est en effet davantage gêné lorsqu’on voit ces jeunes prostituées à quatre pattes, en train par exemple d’imiter un cheval devant leurs riches clients.

L’angle de vue fait ressortir toute la soumission malsaine des protagonistes à l’égard de ceux qui pourraient être leurs bourreaux. Ces derniers ont un manque de considération scandaleux envers leurs victimes.

La fiction est empreinte d’une réalité qui résulte notamment du choix des comédiennes, certaines étant d’anciennes prostituées.

Une oeuvre pleine d’humanité

Au-delà du casting, le réalisateur a touché dans le mille en ébranlant certains faux-semblants moraux de cette société marocaine encore marquée par un fort machisme. Le film a en effet été interdit de diffusion au Maroc, signe d’un profond malaise autour de ce sujet. Une page Facebook a également demandé l’exécution du réalisateur et de ses comédiennes.

Certains extraits du film ont même fuité sur Internet pour montrer que l’œuvre était obscène alors que c’est pourtant le contraire : elle est pleine d’humanité.

Sur le plan artistique, elle est parfaite. L’écriture du scénario est minutieusement travaillée, à la fois épuré et sans fausse note. La trame ne comporte aucune longueur. On est en constante attention durant toute sa durée, chose rare pour un film sociétal.

Des dialogues corrosifs et piquants

Nabil Ayouch se permet également beaucoup d’humour avec quelques situations aux dialogues corrosifs et piquants.

La technique est également juste. Le réalisateur filme avec amour des comédiennes qui défendent leurs rôles comme de véritables professionnelles du cinéma.

« Much Loved » est donc un film profondément authentique, extrêmement respectueux de la femme. Il est à espérer que ses détracteurs n’arrivent pas à ternir une œuvre que l’on espère capable de faire bouger les barrières.

 

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Much Loved : Nabil Ayouch avait mis sous protection ses actrices

Dans une interview accordée à l’Obs, Nabil Ayouch revient sur la polémique entourant son film Much Loved. Il regrette la circulation de DVD pirates et l’attitude du CCM à son égard.

« Qui a peur de Nabil Ayouch ? » titre le journal français l’Obs, dans son édition du 10 septembre. Dans cet article, mi-portrait mi-entretien, le cinéaste revient, avec de nouvelles révélations, sur les nombreuses polémiques qui ont entourés son film « Much Loved » dont la sortie officielle dans les salles obscures française est prévue pour le 16 septembre.

Le CCM « impuissant »

Nabil Ayouch confiera aux journalistes français avoir ressenti les prémices de la polémique dès sa présentation à Cannes, en mai 2015. «Au tout début, des amis m’appelaient pour me féliciter du buzz, comme si je l’avais orchestré moi-même. Alors que j’ai tout de suite compris qu’il pouvait s’avérer dangereux pour le film comme pour l’équipe.» confie ainsi le cinéaste.  Selon lui, les membres de la délégation du Centre cinématographique marocain, présent lui aussi à Cannes à ce moment-là, avaient voulu être rassurants : «Ils me disaient que ce n’était pas grave, que le film était très bien.» Aussitôt rentré au Maroc, ces mêmes personnes qui selon Ayouch avaient voulu le soutenir, ont retournés leur veste. Avec l’impulsion du ministère de la Communication, le CCM annonce l’interdiction du film. «Ils(CCM) m’ont dit qu’ils étaient impuissants face à la décision du ministre» conclut ainsi le réalisateur.

Craintes pour sa sécurité

À la suite de la polémique, Nabil Ayouch confiera à l’Obs, s’être inquiété pour sa sécurité et celle de son équipe. Avec ses producteurs, il choisit de mettre sous protection ses quatre actrices dans un appartement. «On a passé beaucoup de temps avec elles. Elles étaient vraiment effrayées. Depuis la fin du mois d’août, ça va mieux. Elles s’apprêtent à retourner chez elles et à reprendre leurs études.»

Sa réponse au cheikh Mohammed Fizazi

Fin août, sur son compte Facebook, Mohamed Fizazi, avait déclaré que l’actrice principale du film Much loved, Loubna Abidar, s’était repentie de la « faute grave qu’elle a commise ». Le cheikh faisait référence aux scènes de nus et au langage cru de l’actrice dans le long-métrage de Nabil Ayouch, et affirmait avoir eu une longue conversation téléphonique avec elle. Interrogé sur cette sortie médiatique du cheikh, le cinéaste ne s’étendra pas longuement sur la question : «Loubna était avec moi au Festival d’Angoulème, quand cette vidéo est sortie. À ce degré de n’importe quoi, il vaut mieux en rire » lance-t-il.

Le prix de la meilleure actrice, remis à l’actrice, lors de ce même Festival, a depuis laisser dubitatif Fizazi. «Elle m’avait promis qu’elle ne fera plus que des téléfilms et du théâtre le tout sans scènes de nu», avait déclaré le prédicateur. «Elle est piégée» par les contrats de promotion, nous expliquait-t-il.  «Aucune obligation contractuelle de venir faire la promotion du film n’existait», avait rétorqué pour sa part Nabil Ayouch.

Investi contre le piratage

Dans l’entretien avec le journal l’Obs, Nabil Ayouch revient également sur la controverse, après la diffusion et la distribution illégale de DVD piratés, sur lesquels figurent une version non-montée du film, comprenant des scènes «un peu crues, supprimés au montage, voire des images pornographiques tirées d’autres films». Ayouch confiera avoir mis un place une «communication exceptionnelle pour expliquer à la population que ce n’était pas du tout Much Loved». Il confiera à quel point cela est pénible, dans la mesure ou Ayouche est également président de l’Association marocaine de Lutte contre le Piratage.

 

 

 

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