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Nucléaire iranien : 13 années de menaces, de tensions et de rebondissements

AIEA. L’Iran pourrait se voir accorder, ce 10 juillet 2015, le droit d’utiliser le nucléaire à des fins civiles. Retour sur treize ans de discussions houleuses.

Nucléaire : à Téhéran, on attend de voir pour croire à un accord

Espoir pour les uns, crainte pour les autres. L’Iran et l’Occident pourraient s’accorder, ce 10 juillet 2015, sur l’utilisation de l’énergie atomique par Téhéran. Sur la table depuis 2002, ce serait le dénouement d’une querelle qui parait ancestrale tellement elle est aujourd’hui ancrée dans les jeux diplomatiques mondiaux.

2002 – Une confiance de courte durée

Après vingt-trois ans de mise en sommeil, la première unité de la centrale de Bouchehr est lancée.

Mais, avec ce premier pas dans la légalité, l’Iran en fait un autre à contre-sens. Le 12 septembre de la même année sont découvertes deux installations nucléaires, à Natanz et Arak, après les révélations d’un opposant au régime, Alireza Jafarzadeh. Dans la première, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) relève la présence d’uranium enrichi : l’Iran est alors immédiatement suspecté de travailler à la fabrication de l’arme nucléaire.

2003 – Des esquisses de concessions

Si pour la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni – réunis pour l’occasion dans la structure « UE-3 » – la mauvaise foi de l’Iran ne fait aucun doute, l’accord alors en vigueur n’imposait pas explicitement à Téhéran d’informer l’AIEA de ses projets. C’est donc le trio qui prend l’initiative et demande au mauvais élève de se plier aux clauses additionnelles du Traité de non-prolifération (TNP), lesquelles prévoient des visites impromptues de l’agence.

L’Iran accepte en octobre 2003, pour signer en décembre. L’année suivante, il concède même l’arrêt de l’enrichissement de l’uranium alors que celui-ci est conforme aux règles.

2005 – Ahmadinejad, le trouble-fête

C’est sans compter sur Mahmoud Ahmadinejad, qui accède au pouvoir en juin 2005. Deux mois à peine après son élection, l’entente est brisée. Le fantasque président déclare sans vergogne, face aux Nations-Unies , que l’Iran a « tout simplement le droit de développer un programme nucléaire civil ». Et s’il ne fait à l’époque pas mention de l’arme atomique, les menaces sont à peine voilées.

L’enrichissement de l’uranium dans la centrale d’Ispahan, en plein coeur du pays, est évoqué. Malgré les interdictions occidentales et l’appel aux sanctions des Américains, l’Iran se dote d’uranium enrichi à 3,5%, utilisable pour la fission nucléaire. Ahmadinejad déclare, en 2006, que « l’Iran a désormais rejoint les pays nucléaires ».

2006 – Le marasme, les sanctions

Face à l’Iran qui avance tête baissée, l’AIEA ne voit d’autre solution que de transférer le dossier à l’ONU, qui tente de raisonner le pays par des compromis lucides. Les membres permanents proposent une aide financière pour la construction de réacteurs à eau légère, en échange de l’arrêt immédiat de l’enrichissement. L’Iran refuse en bloc. Dans l’impasse, l’Occident n’a d’autre choix que de punir Téhéran qui multiplie les outrages.

C’est le début d’une escalade inquiétante : à chaque sanction prise, Ahmadinejad rétorque par une nouvelle incartade. En 2007, le président iranien annonce posséder 3.000 centrifugeuses et être, par conséquent, capable de fabriquer la bombe tant redoutée.

Alors que l’embargo économique prend place, le chef de l’Etat accepte de dialoguer avec Washington. Des discussions vaines :  l’Iran rejette toujours toute atteinte à l’enrichissement de son uranium. Les Etats-Unis interdisent alors toute transaction qui pourrait alimenter l’incontrôlable pays, qu’ils souhaitent rendre exsangue.

Dans cette bataille, la Chine et la Russie ont une position ambiguë. S’ils appellent l’Iran, comme leurs homologues occidentaux, à freiner sa course éperdue, ils sont en revanche bien plus cléments en ce qui concerne les sanctions commerciales. Des entreprises russes participent même à la construction de centrales.

Certes en partie isolée, et malgré le boycott de ses banques par la majorité des économies mondiales, Téhéran continue sur sa lancée. 

2011 – Le point culminant

Fin 2010, l’Iran possède de l’uranium enrichi à 20 pour cent, et révèle la présence d’un nouveau site secret, basé à Fordow. Pour les USA et Israël, la bombe atomique n’est plus une éventualité. Et bien qu’Ahmadinejad nie posséder une ogive utilisable, c’est une intervention militaire qui est maintenant envisagée. Nouvelle gradation des deux côtés: le durcissement des sanctions n’a pour seul écho que l’augmentation des capacités nucléaires iraniennes. Le 29 novembre 2011, le cancre des Nations-unies annonce la création de 10 nouvelles infrastructures d’enrichissement.

L’ambiance est électrique à l’ONU. On se souviendra du dessin d’une bombe brandi en 2012 par Benyamin Netanyahou devant ses homologues.

Si l’histoire prête à sourire, tout le monde est sur le qui-vive, bien conscient de l’imminence d’une étincelle. L’Iran a déjà montré l’année précédente être capable de frapper Israël. En 2013, Obama estime qu’il reste un an avant que Téhéran possède la bombe atomique. Le site auparavant caché de Fordow est alors parfaitement équipé.

2013 – La détente

Mahmoud Ahmadinejad, s’il refuse de courber l’échine devant ce qu’il nomme « les américano-sionistes », est en revanche bien obligé de se soumettre aux lois de son pays. Alors que son second mandat expire, il laisse sa place à Hassan Rohani, plus modéré, plus diplomate et surtout ancien négociateur des pourparlers sur le nucléaire de 2003 à 2005. D’emblée, ce dernier affirme sa volonté de « négocier sérieusement ». « L’Iran n’est pas une menace », clame-t-il à l’ONU, désireux d’ouvrir son pays.

Le 27 septembre 2013, il s’entretient par téléphone avec Barack Obama, le premier  acte de ce genre depuis 1979. Le guide suprême iranien, Ali Khamenei, avait lui aussi esquissé un pas en avant, énonçant « ne pas être opposé » à une reprise du dialogue.

Le 15 octobre, des négociations ont lieu à Genève, entre les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et l’Iran, cordial à défaut de plier. En cause, toujours, l’enrichissement, dont Rohani veut toujours disposer.

2015 – Epilogue ?

Si certaines positions demeurent fermes – l’Iran étant prêt à montrer patte blanche en échange d’une abrogation immédiate de l’embargo – des ouvertures se profilent. Car les points qui bloquent encore tiennent pour certains plus à la forme qu’au fond. Par exemple, l’Occident réclame la destruction du site de Fordow, né dans la pénombre. Rohani s’oppose à sa suppression mais accepte de le transformer en centre de recherche médicale. De même pour les inspections : le débat porte plus sur leur fréquence, leur niveau d’intrusion, que sur leur éventualité.

Il est normal de douter de la fiabilité d’un Iran longtemps trompeur. Mais il est aussi permis d’espérer un gage de bonne foi de la part d’un pays surtout soucieux de raviver son économie. Et désireux de rompre avec son éternelle image de paria.

Quentin Sedillo

 

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