NZNTV

NOYAUZERONETWORK.ORG / GENEVA, SWITZ.
Design. La magie quotidienne du designer Oki Sato

FORCE. Son regard décalé et joyeux a fait du jeune Japonais une signature mondiale. Rien d’étonnant, donc, à ce que son collectif Nendo vienne d’être nommé Créateur de l’année 2015 par le Salon Maison & Objet.

Il aurait pu être mannequin, posant avec une élégante nonchalance en costume Theory, sac Tod’s et souliers Camper… Autant de griffes qui sont aussi ses clients. Oki Sato, fondateur du collectif japonais Nendo, est le Créateur de l’année de Maison & Objet, en 2015. Le salon professionnel, qui fête cette année ses vingt ans d’existence, n’a pas pris grand risque en élisant ce designer de 38 ans, déjà auréolé d’une vingtaine de prix internationaux. Mieux : il s’est associé à l’image d’un design moderne et mondialisé, sensible à de nouveaux usages et dépourvu de fioritures.

La force d’Oki Sato est de faire le pont entre l’Asie, dont il est originaire, et le continent américain, où il est né en 1977, à Toronto. Chacun de ses objets allie un sens de l’épure japonaise et un brin d’humour ou d’irrévérence made in Canada. Ce métissage de cultures lui permet de plaire un peu partout sur la planète. « Les Américains achètent mes créations qu’ils mettent dans leurs musées, les Italiens les éditent et les Asiatiques me confient leurs projets architecturaux, d’une gare tokyoïte à un centre commercial thaïlandais de plusieurs étages », se félicite ce boulimique de travail. « Accro au design », comme il se définit lui-même, il est capable d’inventer un trombone-clé USB ou un verre non pas soufflé, mais aspiré à la bouche.

Moment d’émotion partagée

Oki Sato voudrait transformer chaque instant de la vie quotidienne en moment d’émotion partagée. Il cultive le détail qui tue, celui qui crée la surprise et fait sourire. Ainsi la Cabbage Chair, entrée dans les collections permanentes de plusieurs musées dont le MoMA à New York et les Arts décoratifs, à Paris. C’est une idée à la fois simple et éblouissante, que celle de ceinturer un ballot de feuilles destinées à être jetées – celles ayant servi au fameux plissé du couturier Issey Miyake –, puis de l’ouvrir et de le peler comme un fruit pour en faire cette assise accueillante.

Il y a aussi cette bibliothèque faite d’étagères de 5 mm en acrylique noire, formant une grille, et assemblées légèrement de biais : elle reste fonctionnelle et pourtant se dérobe en partie à l’œil, au fur et à mesure que l’on en fait le tour. Et ce parapluie astucieux : le premier au monde à pouvoir tenir debout tout seul, grâce à son manche à pattes de canard (le Stay-Brella, 2014).

Ce regard décalé, cette légère distorsion de point de vue, Oki Sato raconte les avoir acquis très tôt. Son premier choc esthétique remonte à l’âge de 10 ans, alors qu’il vient d’emménager avec ses parents à Tokyo. « Venant du Canada, où pendant des mois règnent la neige et le silence, j’ai été frappé par la foule. Tout était bruyant, grouillant, neuf… J’étais le seul gosse intéressé par les rues, les trains et jusqu’aux crayons de couleur. Mes copains me croyaient un peu fou. »


Le jeune Sato, un peu gaijin (« étranger » en japonais) dans son pays, écarquille les yeux et imprime chaque détail. « Une fente dans le parquet peut m’absorber, m’inspirer, encore aujourd’hui », assure-t-il. Jeune diplômé en architecture de l’université Waseda de Tokyo, il éprouve un nouveau choc esthétique lors d’une visite à Milan, en Italie« Je m’étais destiné à devenir architecte, et voilà que, en 2002, au Salon du meuble de Milan, j’ai été électrisé par la liberté et la joie de ces designers qui dessinaient des objets du quotidien. J’ai créé le collectif Nendo avec des amis. Je l’ai fait sans réfléchir, alors que je n’avais jamais travaillé, jamais exposé. »
Nendo signifie « pâte à modeler » et retranscrit le désir de pouvoir se réinventer en permanence, dans une sorte d’exaltation joyeuse, comme un jeu d’enfant. Dès 2003, une première exposition, « Streeterior », est présentée à Tokyo ainsi qu’à Milan. Sa rencontre avec Giulio Cappellini, en 2004, est décisive : le grand éditeur italien lui ouvre les portes et, un premier paravent ayant vu le jour (Yuki, 2006), les commandes s’enchaînent. Parmi elles, on compte les marques Moroso, DePadova, Guzzini, Oluce, Starbucks, Cartier, Puma, Lexus, Coca-Cola et BoConcept. Avec cette dernière maison danoise, Oki Sato s’est amusé à créer, en 2014, tout un univers, de l’horloge au sofa jusqu’aux coussins, passant avec jubilation du bois au métal ou à la céramique.

Perfectionniste jusqu’à en être pointilleux

« Il conjugue minimalisme et poésie, ce qui n’est pas donné à tout le monde », détaille Aurélie Julien, directrice associée de la Carpenters Workshop Gallery, à Paris, qui expose certaines œuvres du Japonais. « Ses suspensions à partir de filets de pêche traditionnels japonais, thermoformés, ou encore ses tables couvertes de verre soufflé, façon flaques d’eau, sont à la fois simples et extrêmement fortes », assure-t-elle.

Avec la chaise Thin Black Lines pour la galerie Phillips de Pury (2010), Oki Sato ne retient encore que l’essentiel, des lignes tracées dans l’espace qui soutiennent le corps et interrogent les lois de l’équilibre. « Oki Sato renouvelle le design par l’idée qu’il développe derrière l’objet, l’empêchant d’être ordinaire », souligne Tristan Pannier, cofondateur de la jeune maison française Spécimen, qui édite la lampe Dancing Square et le bout de canapé Square Basket de Nendo.

Perfectionniste jusqu’à en être pointilleux, Oki Sato adresse à ses clients de délicates miniatures de chaque projet en cours. « Depuis 2004, j’en ai une pleine armoire ! », s’amuse Giulio Cappellini. « C’est un mélange de pureté, de légèreté et d’humour, mais plus de 90 % de ces maquettes, devenues vraies, ont remporté un large succès commercial », se félicite l’éditeur. L’humour, martèle Oki Sato, c’est un peu « comme les épices dans un plat, ce qui fait la magie de la vie »… C’est pourquoi il signe ses créations d’un smiley, dans le « o » de Nendo.

http://www.nendo.jp/en/biography/

 

Leave comment

Your email address will not be published. Required fields are marked with *.