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NOYAUZERONETWORK.ORG / GENEVA, SWITZ.
Livre. Le monde et la Terre

DIPLO Pour résoudre leurs conflits frontaliers, les hommes ont jadis inventé la diplomatie, d’abord entre deux entités puis, à partir du congrès de Vienne, entre plusieurs États souverains. Ce modèle multilatéral régit encore aujourd’hui le fonctionnement des Nations unies, et celui des COP sur le climat. Mais face au défi climatique, il ne fonctionne plus : les COP, minées par les égoïsmes nationaux et l’omniprésence des lobbies, s’avèrent impuissantes à imposer les mutations nécessaires.
Pour y remédier, David Van Reybrouck propose de substituer à la raison d’État une « raison de Terre » : les intérêts de la planète seraient représentés par une assemblée citoyenne à l’échelle mondiale, dont les bases ont déjà été jetées par les Nations unies. Elle devrait participer au même titre que les États aux travaux de la prochaine COP30. Par cet essai aussi bref que percutant, l’auteur relie les deux impératifs qui guident sa pensée : l’urgence climatique et la nécessité d’un sursaut démocratique. La Terre n’attendra pas.

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Le Monde est la planète Terre habitée par les humains. Habiter est ici à entendre au sens géographique de pratiques, de savoirs et de discours sur un espace. Le Monde tend de plus en plus à coïncider avec l’écoumène. Si l’étendue spatiale de la Terre et celle du Monde se recoupent, le terme de Monde renvoie aussi à l’appropriation collective de la planète Terre par l’humanité (appropriation au sens symbolique, par l’intermédiaire des représentations). Le Monde est ainsi, non seulement le plus haut niveau d’échelle, le plus grand des espaces, mais aussi le plus vaste des territoires (Didelon-Loiseau, 2013) voire, d’après Denis Retaillé (2013), un lieu : « Alors que le monde d’hier n’était qu’englobant sans disposer d’une substance propre, le Monde d’aujourd’hui est devenu une aire et un lieu ». C’est d’ailleurs ce qui justifie aujourd’hui l’usage de la majuscule pour le Monde comme lieu (contrairement au sens courant de groupe humain élargi : monde littéraire, monde du spectacle, etc.), défendu par Michel Lussault (2013) : « en un demi-siècle, le monde est devenu le Monde ». Christian Grataloup (2023) suggère de conserver l’usage du monde sans majuscule pour contourner un autre terme porteur d’une histoire très lourde : « civilisation ». On parle ainsi de mondes indiens, de mondes chinois ou swahilis au pluriel, le Monde restant le lieu habité par l’espèce humaine.

Alors que l’histoire de la Terre en tant que planète peut être écrite depuis son origine et donc bien avant l’apparition des premiers hominidés, l’histoire du Monde s’est construite sur le temps long de l’humanité. Les grandes découvertes par les navigateurs européens ou chinois, suivies de la colonisation européenne, ont mis en contact des mondes séparés les uns des autres : mondes américains, méditerranéens, chinois… contribuant ainsi à une première mondialisation et au « bouclage » du monde (Dolfus, Grataloup et Lévy, 1999), selon une terminologie relevant de la géohistoire. L’aventure spatiale, en permettant à des êtres humains d’embrasser la Terre du regard, est une autre étape importante de l’« avènement du Monde » (Lussault, 2013).