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Music. Charles Bradley: découvert trop tard, disparu trop tôt

TALENT. Le chanteur soul est décédé samedi, à 68 ans, des suites d’un cancer de l’estomac. Il était apparu plusieurs fois au Montreux Jazz Festival et pensait revenir en Suisse cette année.
Il avait sorti seulement trois albums, à l’âge de 68 ans. Un chiffre d’une faiblesse inouïe au vu de son talent, mais qui raconte bien son drôle de destin. Charles Bradley a passé son enfance dans les rues de Brooklyn. Il avait pu en sortir grâce au programme d’éducation Job Corps, pour devenir cuisinier. Une profession qui allait le maintenir à flot pendant une vingtaine d’années à travers les Etats-Unis, avant un retour laborieux à New York.
Une farandole de petits boulots, et quelques concerts de-ci de-là dans des petits clubs pour une réputation grandissante. Jusqu’à la rencontre avec Gabriel Roth, du label Daptone Records, essentielle: coup de foudre, session d’enregistrement immédiate, puis collaborations avec musiciens confirmés, et l’histoire qui se met enfin en marche.
Une tragédie familiale à l’origine de tout
C’est une tragédie familiale qui sera à l’origine de son premier succès. Charles Bradley apprend un matin que son frère vient d’être assassiné par son neveu. Dévasté, il appelle alors Thomas Brenneck, son guitariste préféré, qui l’incite à coucher sa peine sur le papier. Ça donnera le bouleversant «The World (Is Going Up in Flames)», suivi de «Heartaches and Pain».
Deux titres qui figurent sur son premier album, No Time for Dreaming, sorti en 2011. Suivront deux autres grands formats: Victim of Love en 2013, parfait du début à la fin («Strictly Reserved for You» en ouverture, imparable) et Changes en 2016, reprise du morceau de Black Sabbath écrit en 1972, à qui il offre une jeunesse éternelle.
Touché par la grâce
Enfin reconnu à sa juste valeur, Charles Bradley n’était pas avare en interviews. Il en a donné deux exceptionnelles au site Noisey.com, en 2014 et 2016. Où il racontait avec force détails ses galères, la façon dont il a parfois dû «lécher des culs» (on cite) pour s’en sortir. Il jurait qu’il avait tout vu, surtout le pire, mais restait accroché à sa volonté de ne juger personne, parce qu’il estimait ne pas valoir mieux. Charles Bradley, c’était l’empathie, la foi, l’amour universel. Un homme touché par la grâce, qui a voulu jusqu’au bout garder ses illusions sur les Etats-Unis, centre de l’humanité et de toutes les races réunies. «Avec amour et compréhension, on peut y arriver», disait-il encore l’an dernier.
Bradley, c’est le boxeur échappé de la misère qui devient champion du monde, le cycliste prolo du nord de l’Europe qui se transforme en grand champion plein d’élégance. Sur scène, il se sapait de façon plutôt inattendue, avec des t-shirts en filet étonnants ou des vestes aux couleurs inconnues. Il bougeait comme personne sinon James Brown, sa référence, qu’il avait découvert en 1962, lorsque sa grande sœur l’avait accompagné à l’Apollo Theater de New York.
Pasteur charismatique
Régulièrement au bord des larmes, accompagné par un groupe exceptionnel (Charles Bradley and His Extraordinaires), il avait retourné l’Olympia parisien en avril 2016 en descendant dans la salle pour serrer toutes les mains qui s’offraient à lui, tel un pasteur charismatique. La scène, ces moments de communion qu’il voulait partager le plus possible après avoir tant attendu.
Il avait d’ailleurs prévu de tourner tout l’automne en Europe, notamment le 12 décembre à Zurich, après quatre apparitions ces dernières années à l’enseigne du Montreux Jazz. Il est mort samedi matin, quand ça commençait vraiment à marcher pour lui. La seule chose qu’il aura faite trop tôt de toute sa vie.

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