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NOYAUZERONETWORK.ORG / GENEVA, SWITZ.
Livre. Contre le colonialisme numérique. Manifeste pour continuer à lire.

Bouquin. Qui peut se vanter d’avoir lu L’Être et le Néant ou même Les Misérables intégralement sur écran ? Prêt à relever le défi ? Vous peut-être, mais pas Roberto Casati, selon qui ce genre de lecture exige un support bien particulier appelé « livre ». Allons bon, encore une de ces badernes technophobes qui mettent en danger nos belles forêts ? Non, R. Casati, cinquantenaire à peine, est un philosophe des plus originaux et ouverts aux nouveautés.

Son expérience de geek lui permet précisément de mettre le doigt sur un problème du numérique : le très lent et laborieux démarrage, malgré force annon­ces, du livre électronique. La liseuse apportait une solution : c’est la tablette qui l’emporte ! Or, ni le mode de défilement ni l’environnement connecté de cet équipement n’autorisent la lecture suivie et approfondie d’un texte. Pour lui, la chose est claire, jusqu’à nouvel ordre, seul le livre (papier) est la « niche écologique où vivent en parfaite symbiose un auteur et un lecteur ».

C’est une question de design. Sans doute, sans doute, mais le digital native procède autrement : il surfe d’un lien à un autre, il navigue entre les pages, il se compose un savoir fait de pièces et de morceaux, et pour cela, le numérique, c’est fantastique, non ? R. Casati est formel : s’informer, c’est utile, mais ce n’est pas connaître car, à l’inverse de cette dispersion, le savoir doit être structuré pour avoir une chance d’habiter notre mémoire et de nous rendre un peu plus intelligents. Il n’y a pas plus d’« intelligence numérique », ni de digital natives que de beurre en branche…

Quant à l’ordinateur à l’école, ce serpent de mer pédagogique, R. Casati lui oppose deux arguments. D’abord, il soutient que le numérique scolaire sera toujours en retard sur le numérique personnel (plus divertissant) et, deux, que ce n’est pas si regrettable que cela : enquête Pisa 2011 à l’appui, il s’avère que les meilleurs élèves sont ceux qui ne se servent pas trop de leurs écrans. R. Casati plaide donc pour un usage ciblé du numérique à l’école, parce que l’essentiel de ce qu’il y a à apprendre n’est justement pas de l’ordre du fragmentaire ni de l’arborescent, deux propriétés qui sont celles de l’oral et non de l’écrit. Quant aux autres maléfices du numérique, R. Casati en évoque certains, comme le vote électronique, mais reconnaît aussi quelques beaux succès. Donc, ne jetez pas votre smartphone à la poubelle : son appareil photo peut servir.

 

 

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